« C’est un phénomène ancien qui porte atteinte aux droits culturels, à l’identité et au savoir-faire des communautés d’origine », explique Krista Pikkat, directrice de la culture et des situations d’urgence à l’UNESCO, interviewée par ONU Info à l’occasion de la Journée internationale contre le trafic illicite des biens culturels.
Depuis ses débuts, l’UNESCO lutte contre ce phénomène. Ses États membres se sont dotés de cadres juridiques, comme la Convention de 1970 pour interdire l’importation, l’exportation et le transfert illicites de biens culturels et offrir un socle commun pour prévenir ces pratiques.
Un réseau criminel mondial
Le vol de patrimoine culturel est un crime international, souvent lié à d’autres formes de criminalité organisée. « Les groupes qui trafiquent des biens culturels sont aussi engagés dans la traite des êtres humains, le trafic de drogue ou d’armes », précise Mme Pikkat. C’est la raison pour laquelle, depuis 2017, ce trafic figure sur l’agenda du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’UNESCO agit avec Interpol, le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICROM) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour lutter contre ce fléau. Depuis 2023, l’agence a formé plus de 1 200 professionnels dans 80 pays, avec un focus sur l’Afrique, où conflits et crises rendent le patrimoine particulièrement vulnérable. L’organisation sensibilise les États membres, lors de grandes rencontres internationales, ainsi que le public.
Patrimoine 2.0 : tech et trésors
L’UNESCO renforce la traçabilité des œuvres et forme les professionnels du marché de l’art, des musées et des forces de l’ordre pour mieux identifier les objets volés ou illicites
Elle a mis à disposition des professionnels de l’art une base de données sur la législation nationale pour faciliter la coopération avec les autorités locales.
« Les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, offrent de nouvelles opportunités dans la lutte contre le trafic illicite », affirme Mme Pikkat.
L’UNESCO collabore également avec l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui, a travers un réseaux d’une dizaine de laboratoire collaborateurs dans autant de pays, aide à déterminer l’origine géographique et l’âge des objets grâce à des techniques nucléaires.
Des résultats concrets
Tous les objets récupérés le sont, d’une manière ou d’une autre, grâce aux efforts conjoints auxquels l’UNESCO contribue. Et certains résultats sont particulièrement tangibles : ainsi, une statue de Bouddha a récemment été restituée à l’Inde après avoir été identifiée dans une collection privée.
« On a eu quelques succès… des ventes stoppées ou suspendues qui ont permis des recherches plus poussées sur la provenance des objets », confie Mme Pikkat.
En Asie centrale, des initiatives de renforcement des capacités ont permis à des gardes-frontières formés par l’UNESCO d’intercepter des objets volés, parfois loin du contexte initial où elles étaient attendues, preuve de l’efficacité de ces formations sur le terrain. L’agence travaille également sur les objets perdus durant la période coloniale, en facilitant le dialogue entre États pour accompagner leur restitution.
Retable du XVIe siècle provenant de l’église Kaarma en Estonie.
Sous le baobab des trésors perdus : le musée virtuel de l’UNESCO
Cette année, l’UNESCO a lancé un musée virtuel dédié aux objets volés, pour sensibiliser le grand public. Ici, pas de murs : le visiteur peut explorer par pays, région ou catégorie et créer ses propres expositions.
« L’espace a été pensé par l’architecte burkinabè Françis Kéré et s’inspire du baobab, arbre symbole de rencontre et de rassemblement en Afrique, porteur de grande valeur culturelle et spirituelle, qui illustre que les œuvres d’art sont comme des racines pour les communautés », explique Mme Pikkat.
Le musée abrite 250 trésors déplacés, soumis par une cinquantaine de pays, qui figurent dans la base de données d’Interpol, y compris des objets issus de la période coloniale.
D’origine estonienne, Mme Pikkat a été particulièrement émue par les figurines d’un retable provenant d’une petite église insulaire, qu’elle a redécouvertes lors de sa visite virtuelle.
« Ces sculptures racontent une histoire : elles ont disparu en 1999, mais ont été créées au XVIe siècle par des artisans de Lübeck, témoignant de la place de l’Estonie dans la Ligue hanséatique et de ses échanges commerciaux avec l’Allemagne. Au-delà de leur valeur matérielle, ces objets portent une signification historique, culturelle et spirituelle pour les communautés et pour le public, chaque objet étant une mémoire vivante et un lien tangible avec le passé », partage-t-elle.
Même les trésors les mieux gardés sont vulnérables
Face au vol récent au Louvre, Mme Pikkat rappelle : « Même les musées les mieux gardés ne sont pas à l’abri. Chaque objet volé n’est pas qu’une perte matérielle : c’est une mémoire arrachée à une communauté ».
Le but ultime du musée virtuel de l’UNESCO ? Qu’un jour, il soit vide : que toutes ces œuvres retrouvent enfin le foyer qui leur revient.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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