Et le Pérou n’est pas le seul à subir cette menace. La disparition des glaciers met en péril le bien-être de centaines de millions de personnes à travers le monde.
Du 29 mai au 1er juin 2025, une conférence internationale sur la conservation des glaciers se tient à Douchanbé, au Tadjikistan. Elle vise à sensibiliser à l’urgence de stopper leur fonte et à inscrire cette question parmi les priorités de l’agenda climatique mondial.
On recense aujourd’hui plus de 275.000 glaciers à travers le monde, renfermant environ 70 % des réserves d’eau douce de la planète. Depuis 1975, ils ont perdu plus de 9.000 milliards de tonnes de glace — l’équivalent d’un bloc de glace de la taille de l’Allemagne et épais de 25 mètres. Les trois dernières années ont connu les pertes les plus importantes jamais enregistrées.
Les montagnes de la chaîne de l’Annapurna au Népal, où les glaciers reculent et la limite des neiges s’élève en raison du changement climatique.
Une menace mortelle
Le recul des glaciers au Pérou n’est pas seulement une alerte environnementale, c’est une menace mortelle. En pleine crise climatique mondiale, les glaciers tropicaux de ce pays andin fondent à un rythme accéléré, mettant en danger des milliers de vies et laissant derrière eux un héritage de tragédies qui pourraient se répéter à tout moment.
Les catastrophes liées à la fonte des glaciers de montagne se sont manifestées cette semaine dans les Alpes suisses, où une avalanche de glace, de boue et de rochers a presque entièrement enseveli un village qui avait été évacué à titre préventif quelques semaines auparavant en raison de la menace évidente.
Selon la directrice de la recherche sur les glaciers à l’Institut national de recherche sur les glaciers et les écosystèmes de montagne (INAIGEM), Paola Moschella Miloslavich, au cours des 58 dernières années, le Pérou a perdu 56 % de sa couverture glaciaire. « Cela ne signifie pas seulement moins d’eau, mais aussi plus de risques, plus de catastrophes, plus de morts ».
Contrairement à d’autres régions du monde, tous les glaciers péruviens se trouvent dans une zone tropicale, ce qui les rend particulièrement vulnérables au changement climatique. « Le recul est non seulement constant, mais il s’accélère », déclare Mme Moschella dans une interview accordée à ONU Info. Et ce recul a des conséquences qui sont déjà évidentes.
Tragédies d’antan et menaces d’aujourd’hui
Le Pérou n’a pas besoin d’imaginer le pire scénario possible, il l’a déjà vécu.
En 1970, une inondation provoquée par l’effondrement d’un glacier a ravagé la ville de Yungay, tuant plus de 6.000 personnes en quelques minutes. Auparavant, en 1941, un lac d’origine glaciaire avait débordé à Huaraz, causant la mort de 1.800 personnes.
Ces inondations causées par le débordement violent d’un lac glaciaire, connues sous le nom de GLOF (Glacial Lake Outburst Floods), sont un type de catastrophe soudaine, brutale et incontrôlable. Et elles ne sont pas une chose du passé. « Cette année même, nous avons eu deux événements, plus modestes, mais l’un d’eux a touché une habitation et coupé une route », cite Paola Moschella Miloslavich.
Le pays a enregistré plus de 140 événements de ce type et la tendance est à la hausse.
Vue sur la Cordillère Blanche depuis la ville de Huaraz.
A mesure que le glacier recule, le danger avance
La fonte constante des glaces ne forme pas seulement de nouveaux lacs, elle déstabilise aussi des montagnes entières. La fonte du pergélisol — la glace qui reste sous terre et agit comme une « colle » naturelle sur les pentes — génère un effet domino : éboulements, avalanches de glace, glissements de terrain et inondations massives.
Les lagunes qui se forment à partir de la fonte deviennent des bombes à retardement. Il suffit d’un éboulement, d’une forte pluie ou d’un tremblement de terre pour qu’une vague géante dévale la montagne, balayant tout sur son passage : villages, routes, cultures, ponts, canaux d’irrigation.
« Huaraz et Huancayo, par exemple, sont de grandes villes densément peuplées qui sont directement menacées par ce type d’événements », explique Mme Moschella. « Et si l’inondation est forte, elle peut parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres ».
Dans le bassin du fleuve Santa, l’un des plus menacés au monde par ces phénomènes, l’impact pourrait toucher des structures stratégiques telles que les centrales hydroélectriques et les systèmes d’irrigation agricole, affectant ainsi des régions entières.
Lac dans la Cordillère Blanche, au Pérou, pays où 528 lacs présentant un risque de débordement ont été identifiés.
Combien de personnes sont en danger ?
L’INAIGEM a identifié 528 lacs présentant un risque de débordement à l’échelle nationale. Bien qu’il n’existe pas de calcul consolidé du nombre exact de personnes en danger, les estimations font état de centaines de milliers de Péruviens vivant dans des zones directement ou indirectement menacées.
« Dans certains cas, il s’agit de populations entières installées sur le trajet d’éventuelles inondations. Dans d’autres, il s’agit de personnes qui dépendent d’infrastructures ou d’écosystèmes vulnérables », souligne Mme Moschella.
Vue depuis la digue de la Laguna 513 vers le fond de la vallée où se trouve la ville de Carhuaz, au Pérou.
Pas de plan national particulier
Malgré le risque, le pays ne dispose pas d’un plan national spécifique pour les catastrophes d’origine glaciaire. Il existe une approche générale pour les tremblements de terre et les dangers associés, mais les GLOF ne sont pas encore une priorité dans la planification nationale. Les débordements de lagunes sont plutôt considérés comme des événements secondaires associés à un grand tremblement de terre.
« Nous intégrons des scénarios d’inondations dans le plan multirisques contre les séismes, mais il manque encore une approche spécifique, un plan d’action global pour faire face au danger que représentent les glaciers », indique Mme Moschella.
Aux niveaux local et régional, quelques initiatives isolées ont commencé à voir le jour : des systèmes d’alerte précoce dans des villes comme Huaraz, Huánuco et Cusco, avec une surveillance en temps réel des lacs dangereux. À Huaraz, par exemple, les lacs Palcacocha, Rajucolta et Cuchillacocha sont surveillés en permanence.
En cas de débordement, cela laisserait entre 17 et 30 minutes pour évacuer la population. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est vital.
Laguna 69, Cordillera Blanca, Pérou — une destination glaciaire très prisée dans le système lagunaire de Llanganuco, qui attire désormais les randonneurs.
Des alertes certes, mais l’éducation manque
Les systèmes d’alertes sonores (généralement des alarmes et des sirènes), la signalisation des itinéraires d’évacuation et les études techniques constituent un progrès, mais elles sont insuffisantes si la population ne sait pas quoi faire.
« À Huaraz, des campagnes de sensibilisation ont été menées, mais dans l’ensemble, l’éducation aux risques fait défaut », déplore Mme Moschella.
La responsabilité de former et d’éduquer les communautés incombe aux gouvernements locaux et régionaux, qui, dans de nombreux cas, manquent de ressources, de capacités, de coordination ou même de volonté politique.
Actuellement, les autorités s’efforcent d’ajouter des messages sur les téléphones portables au système d’alerte précoce.
Relocaliser ? Prévenir ?
Est-il possible d’éviter ces catastrophes ?
La réponse est oui, mais cela nécessite des actions multiples et coordonnées, précise Paola Moschella :
- Contrôler le niveau d’eau des lacs dangereux, comme cela se fait déjà à Palcacocha
- Construire des ouvrages de renforcement des digues naturelles
- Éviter les nouvelles constructions dans les zones à risque et freiner le développement urbain informel
- Ne pas autoriser les infrastructures publiques (écoles, hôpitaux) dans les zones identifiées comme dangereuses
Paola Moschella souligne surtout le rôle clé de l’aménagement du territoire : « Une fois que l’on dispose des cartes des risques, il faut éviter l’occupation des zones dangereuses. Malheureusement, au Pérou, le développement urbain est très informel et peu contrôlé. Des logements, des écoles et même des hôpitaux sont construits dans des zones à risque ».
La relocalisation des communautés, bien qu’idéale en théorie, est extrêmement difficile à mettre en œuvre. « Elle est coûteuse, complexe et socialement difficile à accepter », dit-elle. Pour l’instant, la stratégie consiste à éviter de nouvelles implantations plutôt qu’à déplacer celles qui existent déjà.
Un risque peu visible
Le risque de catastrophe glaciaire reste une menace peu visible au niveau international. La plupart des efforts mondiaux se concentrent sur la fonte de l’Arctique ou l’élévation du niveau de la mer, laissant de côté les glaciers de montagne et les catastrophes qu’ils peuvent provoquer.
« Ce sont des événements rares, mais qui ont un impact très important. Et si on n’en parle pas, aucune politique publique n’est mise en place pour les prévenir », prévient Mme Moschella.
Il existe toutefois des signes d’une prise de conscience naissante. En mars dernier, elle a exposé la situation du Pérou au siège des Nations Unies à New York lors de la Journée mondiale des glaciers. C’était la première fois que la question du risque lié aux glaciers tropicaux était abordée ouvertement dans ce forum.
Préserver les glaciers, sauver des vies
Mais au-delà de l’adaptation, la meilleure prévention reste l’atténuation du changement climatique. Plus la planète se réchauffe rapidement, plus les glaciers fondent et plus des lagunes dangereuses se forment.
Le message final de Paola Moschella est clair : la perte des glaciers n’est pas seulement une tragédie environnementale, mais une menace directe pour des milliers de personnes.
« Préserver les glaciers, ce n’est pas seulement préserver le paysage, c’est préserver la vie. C’est éviter des décès dus à des catastrophes que nous savons aujourd’hui évitables », conclut la chercheuse spécialisée dans les glaciers.
Le Pérou, pays aux neiges ancestrales et aux lacs majestueux, est confronté à un compte à rebours silencieux. Ses glaciers sont des sentinelles silencieuses qui s’expriment aujourd’hui. Saurons-nous les écouter avant la prochaine catastrophe ? C’est une question de survie.
La conférence doit aboutir à l’adoption de la Déclaration de Douchanbé sur les glaciers, document définissant des engagements pratiques pour des pays spécifiques et des recommandations stratégiques pour les participants à la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, COP30, en novembre.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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