Les assiettes sont vides, les hôpitaux débordés, les vivres rationnés. Depuis fin 2023, au Yémen, l’insécurité alimentaire gagne rapidement du terrain. Aujourd’hui, plus de 17 millions de personnes n’ont pas assez à manger — et ce chiffre pourrait dépasser les 18 millions dès septembre.

Parmi les plus vulnérables, les enfants. Un million d’entre eux, âgés de moins de cinq ans, souffrent déjà de « malnutrition aiguë sévère », une forme qui menace directement leur vie. Si rien ne change, ils seront encore plus nombreux dans les mois à venir.

« Nous n’avions pas connu un tel niveau de dénuement depuis la trêve négociée par l’ONU début 2022 », a alerté mardi Tom Fletcher, le plus haut responsable humanitaire des Nations Unies, dans un exposé devant le Conseil de sécurité. « Le déficit de financement est tout aussi critique pour les services de santé et de protection vitaux – en particulier pour les 6,2 millions de femmes et de filles exposées à des violences liées au genre ».

Un conflit figé depuis dix ans

Le conflit yéménite oppose depuis 2014 les rebelles houthistes, soutenus par l’Iran, au gouvernement reconnu par la communauté internationale et appuyé par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite. Les houthistes ont pris le contrôle de la capitale, Sanaa, au début de la guerre, puis étendu leur emprise sur le nord et l’ouest du pays, y compris le port stratégique de Hodeïda, sur la mer Rouge. Le gouvernement, aujourd’hui basé à Aden, contrôle des pans du sud et de l’est du territoire. Malgré plusieurs trêves partielles, les combats n’ont jamais totalement cessé, et les négociations engagées sous l’égide de l’ONU peinent à aboutir à un accord politique global.

Selon l’envoyé spécial de l’organisation sur place, Hans Grundberg, « les lignes de front tiennent globalement, mais la situation reste instable et imprévisible ». Des affrontements sont toujours signalés dans plusieurs gouvernorats du sud et du nord du pays – notamment Al Dhale’a, Al Jawf, Ma’rib, Taëz et Saada – et des mouvements de troupes inquiétants ont récemment été observés. « Une solution militaire reste une dangereuse illusion qui ne ferait qu’aggraver les souffrances », a-t-il averti.

Le Yémen pris dans la tempête régionale

Cette guerre interne se déroule sur fond de tensions régionales accrues. Ces dernières semaines, la flambée de violence entre Israël et l’Iran – marquée par des frappes aériennes réciproques et par le bombardement de plusieurs sites nucléaires iraniens par les États-Unis – a ravivé les inquiétudes quant à une extension du conflit au reste de la région. Le Yémen, déjà exsangue, se retrouve à nouveau en ligne de mire.

Malgré le cessez-le-feu entre Israël et l’Iran et les négociations qui ont lieu entre Tel Aviv et le Hamas à Doha, les Houthis ont intensifié leurs attaques : plusieurs missiles ont été tirés contre Israël et, ces derniers jours, deux navires commerciaux ont été visés en mer Rouge, entraînant la mort de civils et des dégâts potentiels pour l’environnement. « Ce sont les premières attaques contre des navires marchands depuis plus de sept mois », a souligné Hans Grundberg devant le Conseil. Israël a répliqué par des frappes aériennes sur Sanaa, les ports de Hodeïda, Ras Issa et Salif, ainsi qu’une centrale électrique.

« La liberté de navigation en mer Rouge doit impérativement être préservée », a averti l’Envoyé spécial. « Les infrastructures civiles ne doivent jamais devenir des cibles militaires. Surtout, le Yémen ne doit pas être aspiré plus avant dans des crises régionales qui menacent de faire basculer une situation intérieure déjà extrêmement fragile ». Le risque, selon lui, est de « déchirer ce qui reste encore debout ».

Résister malgré tout

Face à cette spirale, les humanitaires continuent d’agir. « Nos collègues sur le terrain déploient tous leurs efforts pour sauver des vies avec les moyens disponibles », a salué Tom Fletcher. Des progrès concrets, bien que fragiles, ont été réalisés. Le nombre de cas de choléra a chuté de plus de 70 % par rapport à l’année précédente, grâce à une stratégie ciblée combinant sensibilisation communautaire et soutien sanitaire dans les foyers les plus à risque.

Dans le domaine de la nutrition, l’introduction d’un protocole simplifié a permis d’élargir l’accès aux traitements. Plus de 650.000 enfants atteints de malnutrition reçoivent désormais des soins vitaux à moindre coût. Malgré les coupures budgétaires, plus de 3.200 établissements de santé continuent à fonctionner, offrant des soins essentiels à 7,2 millions de personnes dans le besoin.

L’aide passe aussi par un changement d’approche. Près de la moitié des ressources du Fonds humanitaire pour le Yémen, un mécanisme onusien créé en 2015, sont désormais alloués à des ONG locales ou nationales, dont un tiers à des structures dirigées par des femmes. Une manière, selon M. Fletcher, de « renforcer les capacités de ceux qui sont les mieux placés pour répondre aux besoins des communautés ».

Appel au Conseil de sécurité

Mais ces avancées sont fragiles, menacées par les violations persistantes du droit humanitaire. L’ONU demande trois choses : des fonds d’urgence pour l’aide alimentaire et nutritionnelle ; la libération immédiate et sans condition des travailleurs humanitaires détenus ; et des garanties de protection pour les civils et les intervenants.

« Le droit international humanitaire n’est pas une option », a martelé Tom Fletcher. Hans Grundberg, lui, a appelé Ansar Allah à libérer sans délai des dizaines employés de l’ONU et des ONG détenus arbitrairement, dont plusieurs nécessitent une prise en charge médicale urgente. « Ils ont besoin d’être soignés. Ils ont besoin de rentrer chez eux », a-t-il insisté. « Nous n’abandonnerons pas cette question ».

À Sanaa comme à Hodeïda, ce sont les humanitaires qui tiennent la ligne de front. Mais sans appui international, leur dernière réserve – l’espoir – pourrait bien s’épuiser.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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