« Premier jour, passage à tabac sévère », avait écrit un détenu.

Aujourd’hui, avec l’appui des Nations Unies, l’un de ces anciens prisonniers, le défenseur syrien des droits humains Riyad Avlar, œuvre pour faire la lumière sur le sort de ceux qui ne sont jamais sortis – et pour obtenir justice au nom des disparus.

Il se souvient de la réaction bouleversante d’une mère à qui il annonçait la mort de son fils en détention : « J’accepte cela, mais je n’ai pas perdu espoir. Un jour, mon fils franchira cette porte et vous rencontrera ici ».

Ces mots traduisent la résilience des familles qui, malgré des années d’incertitude, continuent à rechercher la vérité et la justice, insiste Riyad, emprisonné plus de vingt ans après son arrestation en 1996, à l’âge de 19 ans.

Un message sur les murs de la prison de Sednaya dit : « La Syrie est libre ; nous n’avons pas pu célébrer notre victoire avec vous, mais nous n’oublierons pas votre souffrance. »

Documenter les faits

Pour Riyad, la lutte pour la justice ne s’est pas arrêtée avec sa libération en 2017.

Avant sa nomination au premier Conseil consultatif de l’Institution indépendante des Nations Unies pour les personnes disparues en Syrie, il a mis son expérience au service des survivants et de leurs familles au sein de l’Association des détenus et disparus de la prison de Sednaya (ADMSP).

Fondée par d’anciens détenus comme lui, l’association est devenue une source essentielle de documentation, de soutien et de plaidoyer.

« Notre mission », explique-t-il, « est de donner aux survivants et aux familles des disparus les moyens d’être au centre des processus de justice transitionnelle, de responsabilité et de réparation en Syrie ».

Depuis sa création, l’ADMSP a mis en place deux bases de données. La première recueille les témoignages de survivants de Sednaya et, depuis 2021, d’autres centres de détention à travers la Syrie ; la seconde, rassemble les informations fournies par les familles à la recherche de leurs proches, leur apportant souvent la première confirmation fiable de ce qui est arrivé.

Ces témoignages identifient les auteurs d’abus, les derniers lieux où des détenus ont été vus, et les schémas de violations.

« Ne pas nuire »

« Chaque entretien est mené en face-à-face, avec une attention particulière pour éviter tout re-traumatisme », explique Riyad.

Parallèlement à la documentation, l’association gère un centre proposant psychothérapie, kinésithérapie et thérapie de groupe aux survivants et aux familles confrontés au traumatisme de la disparition.

Elle les protège également des escroqueries d’individus exploitant leur détresse en leur vendant de fausses informations sur le sort de leurs proches, en les aidant à vérifier ces allégations.

Les cages dans lesquelles des prisonniers auraient été détenus sont photographiées dans la tristement célèbre prison de Sednaya à Damas.

La peur constante de l’exécution

Le destin de Riyad bascule lorsqu’il quitte son village natal en Turquie pour étudier en Syrie.

Arrêté en 1996 par le régime Assad, à moins de 20 ans, il est détenu au secret pendant 15 ans. Sa famille ne découvre qu’il est encore en vie que grâce à l’intervention de la mère d’un ami.

Durant sa détention, il subit l’isolement, la torture et la privation quasi totale de contact humain.

« J’ai vu mon frère deux fois, quinze minutes à chaque fois, en plus de vingt ans », raconte-t-il.

« Quand j’ai été libéré, ma mère m’a simplement serré dans ses bras et m’a respiré : elle voulait se souvenir de l’odeur de son fils. Plus tard, quand mon propre fils a eu un an et demi, j’ai enfin compris pourquoi elle s’accrochait à moi ainsi ».

Privé de procès équitable et condamné sur la base d’accusations fabriquées, Riyad a vécu dans la peur constante de l’exécution.

Ces épreuves, dit-il, nourrissent aujourd’hui sa détermination à placer les voix des survivants au cœur de la quête de justice et de responsabilité.

« Chacun souffre à sa manière »

Au-delà des horreurs infligées aux disparus, une douleur commune traverse leurs familles : l’angoisse de l’attente. Les mères vivent des années sans réponses, tandis que pour les épouses et les enfants s’ajoutent la stigmatisation, le harcèlement et l’exil.

« Chaque membre de la famille souffre différemment, mais ce qui les unit, c’est le droit de savoir », souligne Riyad.

© Avec la courtoisie de Riyad Avlar

Riyad Avlar (à gauche) a subi des tortures physiques, psychologiques et sexuelles pendant vingt et un ans de détention dans les prisons du régime syrien d’Assad.

Un mandat mondial pour la justice

Sélectionné parmi plus de 250 candidats, Riyad siège aujourd’hui au Conseil consultatif de l’Institution indépendante sur les personnes disparues en Syrie, créée en 2023 par l’Assemblée générale des Nations Unies pour s’attaquer à l’un des legs les plus douloureux du conflit.

Le conseil compte 11 membres représentant les familles des victimes, la société civile syrienne et des experts internationaux. Son mandat : établir la vérité sur le sort des disparus, soutenir les familles et contribuer à la reddition de comptes.

Selon le Réseau syrien pour les droits de l’homme, au moins 181.312 personnes restent arbitrairement détenues ou portées disparues, dont 5.332 enfants et 9.201 femmes.

« La tâche est immense », confie Riyad à ONU Info, depuis son domicile en Turquie. « Mais grâce à la coopération entre les organisations syriennes et la communauté internationale, l’institution peut instaurer des protocoles clairs pour la notification, le soutien psychologique et la reconnaissance des disparus ».

Une lourde responsabilité

À l’intention des survivants de la détention, Riyad lance un message de solidarité : « Nous devons élever la voix et réclamer la justice – non pas la vengeance – mais la responsabilité et la réparation. Nous sommes en vie, et cela représente une responsabilité ».

Son message est aussi un hommage à la survie.

« Quand j’ai été arrêté, les téléphones avaient encore des touches. Et à ma sortie, on les utilisait du bout du doigt… La vie avait tellement changé, j’étais sous le choc », raconte-t-il. « Le village que j’avais quitté était sous-développé, et maintenant il y avait des routes pavées, des voitures, des robinets d’eau dans les maisons, même un système d’égouts ».

« Peu à peu, je me suis adapté. J’ai décidé d’avancer, car après une si longue absence – vingt ans – c’était comme si on m’avait congelé, puis soudain, libéré dans un film de science-fiction », ajoute-t-il.

Pour Riyad, aucune famille syrienne ne doit être laissée sans réponse. Chaque famille a droit à la vérité, à des adieux dignes et à la possibilité de guérir.

Et si la vérité est la pierre angulaire de l’avenir de la Syrie, la justice transitionnelle l’est tout autant, conclut-il — avec les survivants et les familles au cœur de la reconstruction du pays.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

To submit your press release: (https://www.globaldiasporanews.com/pr).

To advertise on Global Diaspora News: (www.globaldiasporanews.com/ads).

Sign up to Global Diaspora News newsletter (https://www.globaldiasporanews.com/newsletter/) to start receiving updates and opportunities directly in your email inbox for free.