Pour Lisa Doughten, du bureau des affaires humanitaires de l’ONU, le retour de plus de trois millions de Syriens chez eux au cours de l’année écoulée est un signe encourageant. « Mais ces personnes ont encore besoin de soutien pour reconstruire leur vie », a-t-elle nuancé, mercredi, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie.

Dans les entretiens menés par le HCR, l’agence de l’ONU en charge des réfugiés, 70 % des familles rapatriées de l’étranger déclarent manquer de nourriture. La plupart trouvent leurs maisons endommagées ou détruites et peinent à retrouver un emploi. Beaucoup ne possèdent plus les documents civils nécessaires pour recommencer une vie.

L’ONU soutient les réfugiés syriens qui rentrent chez eux depuis la Jordanie.

« Les défis sont vraiment immenses », a résumé Najat Rochdi, l’envoyée spéciale adjointe de l’ONU pour la Syrie, qui participait à la réunion depuis Oslo, en Norvège, de retour d’une longue visite dans la capitale syrienne. 

Après cinq décennies de dictature, le nouveau président, Ahmed al-Sharaa, ancien chef rebelle de  l’alliance islamiste Hay’at Tahrir al-Sham, active dans le nord-ouest, a du pain sur la planche. Porté au pouvoir dans le cadre d’un accord de transition soutenu par l’ONU, avec la promesse de nouvelles élections d’ici cinq ans, il doit simultanément panser les blessures du pays et tenter de rebâtir un contrat social.

Mais la légitimité de ce nouvel exécutif reste inégale d’une région à l’autre.

Un cessez-le-feu fragile

Dans le sud syrien, à Souweïda, plus de 180 000 personnes n’ont toujours pas été en mesure de rentrer chez elles à la suite de l’escalade intercommunautaire de la mi-juillet, qui avait opposé combattants druzes et tribus bédouines sunnites et entraîné l’intervention de forces gouvernementales, laissant derrière elle des accusations d’exécutions sommaires et de pillages. 

Le cessez-le-feu conclu dans la foulée « tient, heureusement », indique Mme Rochdi, tout en reconnaissant que « des incidents sporadiques » continuent de surgir et que « la confiance est extrêmement faible ». Selon l’envoyée spéciale, les autorités ont assuré que les responsables des violences de juillet seraient tenus de rendre des comptes, un engagement qu’elle appelle à concrétiser rapidement.

© UNOCHA/Ali Haj Suleiman

Un véhicule incendié lors des hostilités à Souweida, dans le sud syrien, au mois de juillet 2025.

Plus à l’est, à Deir-ez-Zor, l’accalmie reste loin d’être acquise. Malgré les efforts engagés pour maintenir le cessez-le-feu national, la zone connaît encore des épisodes de violence : échanges de tirs ponctuels, affrontements locaux nourris par la présence de groupes armés – dont des combattants terroristes étrangers – qui continuent de perturber l’équilibre précaire du gouvernorat. À cette insécurité directe s’ajoute un danger latent, omniprésent dans les campagnes : les restes explosifs de guerre, responsables depuis décembre de plus de 570 morts et 960 blessés, principalement dans les terres agricoles, où ils compromettent aussi les moyens de subsistance des familles.

Dans le nord du pays, des frictions récurrentes opposent les forces gouvernementales à des combattants affiliés aux Forces démocratiques syriennes, la coalition arabo-kurde qui contrôle encore une partie du nord-est. Ces heurts, bien que ponctuels, illustrent eux aussi l’extrême vulnérabilité du paysage sécuritaire, où un incident local peut rapidement se transformer en affrontement ouvert.

Une transition politique en chantier

L’architecture de la transition avance lentement, parfois au rythme des compromis régionaux plus qu’au gré des consultations locales. L’Assemblée du peuple transitoire compte encore 18 sièges vacants. La rédaction d’une nouvelle constitution est un autre chantier majeur, « une tâche fondatrice » selon Mme Rochdi, qui nécessitera une préparation minutieuse. Les consultations avec la société civile se multiplient, mais ne suffisent pas encore à dissiper un climat de méfiance.

L’envoyée spéciale insiste sur la responsabilité des autorités pour élargir l’inclusion politique : « Les Syriens doivent percevoir des avancées significatives pour mettre fin à l’impunité, passée comme présente, et prévenir toute répétition ». Autrement dit, les enquêtes sur les événements de Souweïda ou ceux survenus en mars dernier dans le nord-ouest, où des affrontements meurtriers ont opposé les forces syriennes et des membres de la minorité alaouite fidèles au régime d’al-Assad, ne suffisent pas à instaurer la confiance. 

D’autant plus que les disparitions forcées, emblématiques de l’ex-dictateur, continuent d’être signalées à travers le pays.

Karla Quintana, responsable de l’Institution indépendante pour les personnes disparues, sur le terrain en Syrie lors d’une récente mission.

Une économie exsangue

Au Conseil de sécurité, Najat Rochdi comme Lisa Doughten ont évoqué les pénuries de carburant, les prix en hausse, les écoles endommagées, les coupures d’électricité, l’effondrement du pouvoir d’achat. Des conditions météorologiques proches d’une « sécheresse historique » accentuent la pression sur l’agriculture.

Dans ce contexte, les signaux envoyés ces dernières semaines par la communauté internationale restent timides. Le Conseil de sécurité a pourtant retiré de sa liste de sanctions – un registre qui comprend des interdictions de voyager et des gels d’avoirs – les noms du président al-Sharaa et de son ministre de l’intérieur. Washington a, de son côté, assoupli pour six mois une partie des mesures économiques américaines imposées à Damas dans le cadre du « Caesar Act », une loi adoptée en 2019 qui vise à sanctionner toute personne ou entreprise finançant la machine de guerre syrienne.

Mais pour l’ONU, ce n’est qu’une éclaircie dans un ciel encore très chargé. « Nous continuons d’appeler à l’abrogation des sanctions secondaires obligatoires, qui constituent un obstacle majeur à la reconstruction et au redressement d’une économie syrienne dévastée », a rappelé Mme Rochdi. 

En résumé, tant que perdurent les sanctions extraterritoriales – ces mesures qui menacent aussi les entreprises étrangères faisant affaire avec la Syrie – le pays restera coupé de l’investissement extérieur, de ses financements et de ses matériaux de construction. Impossible dans ces conditions de relancer une économie déjà exsangue.

Des vêtements chauds et d’autres articles de première nécessité sont distribués aux familles déplacées à Babekkeh, en Syrie.

Une aide sous-financée à l’approche de l’hiver 

Le contraste est brutal : 16 millions de Syriens ont besoin d’aide humanitaire, mais l’appel de fonds de l’ONU n’est financé qu’à hauteur d’un quart des besoins.

Les conséquences sont immédiates : 360 établissements de santé ont réduit ou suspendu leurs activités et les programmes d’hiver de distribution de combustibles, vêtements chauds et couvertures ne disposent que de 12 % du financement requis.

Les deux responsables onusiens convergent sur un point : la fenêtre d’opportunité existe, mais elle pourrait rapidement se refermer. « Nous avons la possibilité de fournir beaucoup plus d’aide à celles et ceux qui en ont besoin », a affirmé Lisa Doughten, tout en avertissant que cette perspective dépend de trois conditions : empêcher une nouvelle flambée de violence, financer d’urgence l’aide humanitaire et investir massivement dans la reconstruction.

En conclusion, Najat Rochdi a rappelé l’enjeu politique ultime : construire une « Syrie souveraine, stable, unie et prospère, une Syrie répondant aux aspirations de tous ses citoyens ». Un horizon que le pays entrevoit, sans pouvoir encore l’atteindre.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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