Un quart de siècle après l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution historique appelant à mieux représenter les femmes dans les processus de paix, António Guterres dresse un constat sans détour : celui « d’une stagnation, voire d’une régression » au cours des cinq dernières années.

Selon le document, publié lundi, la planète compte aujourd’hui le plus grand nombre de conflits actifs depuis 1946. Au total, 676 millions de femmes vivent à moins de 50 kilomètres d’un conflit meurtrier, soit le niveau le plus élevé depuis les années 1990.

Les victimes civiles parmi les femmes et les enfants ont quadruplé en deux ans, conséquence de guerres sans limites où les règles humanitaires s’effacent.

« Les graves violations commises contre les femmes et les filles en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Haïti, au Myanmar, au Soudan et dans le Territoire palestinien occupé illustrent les risques extrêmes auxquels elles sont confrontées », écrit le Secrétaire général.

Invitée au point de presse quotidien de l’ONU à New York, à l’occasion de la publication du rapport, Nyaradzayi Gumbonzvanda, directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes – l’entité des Nations unies chargée de promouvoir l’égalité entre les sexes –, a résumé la situation d’une formule sèche : « Le monde va dans la mauvaise direction. Les dépenses militaires atteignent des niveaux records, tandis que l’égalité des genres et le multilatéralisme sont attaqués ».

La guerre jusque dans le corps des femmes

Les chiffres donnent le vertige : les cas documentés de violences sexuelles liées aux conflits ont augmenté de 87 % en deux ans. En Haïti, plus des deux tiers des violences signalées sont sexuelles. En République démocratique du Congo, devenue l’un des épicentres mondiaux de ces violences, 38 000 cas ont été signalés rien qu’au Nord-Kivu, au cours des premiers mois de l’année, suite à l’offensive des rebelles du M23 dans la zone. 

Le rapport parle également de « violence reproductive » pour désigner la destruction délibérée des maternités et le blocage de l’accès aux soins, rappelant qu’un tel acte peut relever du crime de génocide lorsqu’il vise à empêcher les naissances au sein d’un groupe spécifique. À Gaza, des milliers d’accouchements ont lieu « au milieu des décombres, sans anesthésie, ni soins post-partum, ni eau ».

Ces violences, souligne le document, ne sont plus des dommages collatéraux : elles sont devenues des armes de guerre, aussi courantes que les fusils d’assaut.

« Ces chiffres traduisent une guerre menée sur le corps des femmes et des filles, dans un mépris choquant du droit international », a dénoncé lors du point de presse Sarah Hendriks, directrice de la division politique d’ONU Femmes.

Au Soudan, en proie à une guerre civile, des femmes se réunissent pour discuter de la paix et des droits de l’homme.

Exclues des négociations de paix

Pendant que les bombes retentissent, les femmes continuent d’être tenues à distance des négociations censées les faire taire.

Neuf processus de négociation sur dix excluent intégralement les femmes. En moyenne, ces dernières représentent 7 % des négociateurs, 14 % des médiateurs et 20 % des signataires d’accords de paix.

Sur 36 accords conclus au total en 2024, 11 seulement comportaient une référence aux femmes ou à la question du genre. « Les halls de gouvernement, les tables de paix et les institutions de sécurité restent dominés par les hommes, trop souvent sans réelle responsabilité quant aux conséquences de leurs décisions », constate M. Guterres.

Les recherches le montrent pourtant : lorsque les femmes participent, les accords de paix sont plus durables.

« Les femmes ne sont pas des symboles, elles sont ce qui rend la paix possible et durable », a insisté Nyaradzayi Gumbonzvanda.

Le monde se réarme, les femmes paient le prix

En parallèle, la militarisation s’accélère. Les dépenses militaires mondiales ont atteint 2 700 milliards de dollars l’an dernier, soit une hausse de 9,4 % en un an – la plus forte enregistrée depuis la fin de la guerre froide.

« Le chemin vers la paix ne passe pas par l’accumulation des armes, mais par l’investissement dans les outils de la paix, la réalisation des droits et le développement durable », met en garde le rapport.

Le contraste est saisissant : moins de 0,4 % de l’aide humanitaire dans les contextes de conflit parvient aux organisations de femmes. Le monde dépense des milliers de milliards pour la guerre, et des miettes pour celles qui en subissent les conséquences.

Sarah Hendriks a averti que près de la moitié des organisations féminines en contexte de crise risquent de fermer dans les six prochains mois, faute de financement.

Les Casques bleus à l’épreuve

Les missions de maintien de la paix tentent de préserver cet équilibre fragile. La proportion de femmes dans les contingents a plus que doublé depuis 2018, atteignant un peu plus de 10 %.

Mais de nombreuses missions, comme la MONUSCO en RDC, sont dépassées par la recrudescence des violences à l’encontre des femmes. Cette question persiste, voire s’intensifie, à la fin du mandat des missions. « Le retrait des missions crée un vide sécuritaire qui rend les femmes et les filles plus vulnérables », prévient le rapport.

UN Women/Solomon Tumwesigye

Angel Musiime (au centre), chef de paroisse locale et médiatrice de paix au conseil municipal de Kyegegwa, en Ouganda.

Un horizon politique décevant

Quelques percées symboliques – l’élection de femmes présidentes au Mexique, en Namibie et en Macédoine du Nord – n’y changent rien. Plus d’une centaine de pays n’ont jamais eu de femme à leur tête, et les femmes ne dirigent aujourd’hui que 29 États.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), l’instance onusienne chargée de veiller au respect des droits des femmes, l’affirme : le seuil de 30 % de représentation n’est plus acceptable. Seule la parité intégrale garantit une égalité réelle.

Une révolution invisible : les données

Un enjeu central, plus discret, se joue dans la production de données. Le Secrétaire général appelle à une « révolution des données de genre », indispensable pour comprendre les besoins et les expériences des femmes dans les zones de guerre : sécurité, santé, justice, moyens de subsistance.

Actuellement, seuls 15 % des financements pour la production de statistiques concernent la dimension de genre.

Sans données fiables, prévient M. Guterres, les femmes restent invisibles dans les politiques publiques – et les régressions, impossibles à mesurer, se perpétuent.

Un avertissement sans détour

Sous sa langue institutionnelle, le texte a la force d’un réquisitoire. « Le monde se trouve à un moment où la polarisation politique menace d’effacer des décennies de progrès. Le silence et l’inaction permettront à ces schémas de se poursuivre », avertit le Secrétaire général.

« Si les tendances actuelles se poursuivent, nous risquons d’effacer vingt ans de progrès sur les droits des femmes en contexte de conflit », a prévenu Sarah Hendriks, d’ONU Femmes.

Vingt-cinq ans après l’espoir né de la promesse d’un monde plus égalitaire, le rapport tire la sonnette d’alarme : les femmes ne réclament plus seulement des engagements, elles exigent qu’ils soient respectés.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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