Photo Credit: Global Diaspora News (www.GlobalDiasporaNews.com).

Traduit de l’anglais.

Que se passe-t-il ? Jama’tu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad (JAS) a gagné du terrain dans la lutte qui l’oppose dans le nord-est du Nigéria à l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO), en stoppant cette faction rivale dans son élan. Au cours de l’année 2023, le groupe JAS s’est emparé de la plupart des îles du lac Tchad que l’EIAO contrôlait. 

Comment expliquer ces évènements ? Le conflit entre les deux factions de Boko Haram découle de différences dans le système de gouvernance et de traitement des civils. JAS tue et pille indistinctement là où l’EIAO, plus bureaucratique, épargne généralement les civils musulmans. De nombreux membres de JAS se sont rendus aux autorités ou ont continué le combat au lieu de rejoindre l’EIAO après la mort du chef de JAS en 2021. 

En quoi est-ce significatif ? Au cours des deux dernières années, JAS et l’EIAO se sont sans doute infligés plus de dégâts que les États du lac Tchad ne leur en ont infligés. Pourtant, ces factions restent une vraie menace. L’EIAO se réorganise, tandis que le groupe JAS, renforcé, va intensifier ses attaques contre les populations civiles autour du lac. 

Comment agir ? Les gouvernements du lac Tchad devront faire davantage pour l’emporter sur les jihadistes. Ils doivent réduire les risques pour les civils en maintenant l’aide humanitaire, en intensifiant les efforts pour soutenir les transfuges jihadistes, en améliorant la précision des frappes aériennes et en relançant la coopération régionale en matière de sécurité. 

L’équilibre des forces entre les deux factions de Boko Haram dans le nord-est du Nigéria s’est à nouveau modifié. Malgré la mort de son chef Abubakar Shekau en 2021, Jama’tu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad (JAS, souvent appelé Boko Haram) est passé à l’offensive, s’emparant l’année dernière de la plupart des îles du lac Tchad jusque-là occupées par son rival, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO). L’EIAO avait pris le dessus dans la guerre intra-jihadiste, mais a maintenant perdu du terrain, en partie parce que les combattants de JAS ont refusé de se soumettre à ses règles. Les deux groupes se sont mutuellement infligés de graves blessures, mais les États du lac Tchad ne doivent pas penser que leur propre lutte contre les jihadistes est gagnée. Ensemble, les groupes rebelles commandent encore des milliers de combattants et représentent une menace importante. L’EIAO tente de se déployer dans d’autres régions du nord-est du Nigéria, tandis que JAS s’attaque aux civils autour du lac Tchad et à partir de son autre bastion dans les Monts Mandara. Outre l’intensification des campagnes militaires, les gouvernements devraient améliorer les services auprès des populations, accroître l’aide humanitaire et consolider les programmes de défection.

Boko Haram est apparu dans les années 2000, menant une série de soulèvements urbains brutalement réprimés dans le nord-est du Nigéria en 2009. Par la suite, le groupe s’est reconstitué sous la direction de Shekau et a pris le nom de JAS. Il est alors passé d’une organisation urbaine menant des attaques terroristes à un mouvement de guérilla rurale. Les combattants de JAS ont un temps pris le contrôle d’une grande partie de l’État de Borno et ont commencé à frapper d’autres États du nord-est du Nigéria, ainsi que des régions frontalières aux pays voisins du Nigéria autour du lac Tchad – au Niger, au Tchad et au Cameroun. En 2015, Shekau a prêté allégeance à l’État Islamique en Irak et en Syrie (EI), et le mouvement a adopté la désignation EIAO. Cependant, il a été déchiré par des divisions internes et, en 2016, les détracteurs de Shekau ont fait sécession, cette faction conservant le nom de EIAO et obtenant la reconnaissance de l’EI. Shekau et ses partisans se sont organisés en une faction distincte, revenant à l’appellation JAS

Après que Shekau, vaincu par l’EIAO, s’est donné la mort en 2021, la poursuite de l’ascension de l’EIAO semblait assurée, mais la dynamique a changé. Les combats entre JAS et l’EIAO ont affaibli les deux groupes. Au début de l’année 2022, l’EIAO semblait avoir le vent en poupe. Elle a même lancé sa toute première campagne dans le centre du Nigéria, dont le point culminant a été une attaque majeure contre une prison à proximité de la capitale fédérale du Nigéria, Abuja. Cependant, à partir de la fin de l’année 2022, sous la direction d’un nouveau chef, Bakura Doro, JAS a bousculé l’EIAO, chassant le groupe de nombreuses îles du lac Tchad et s’emparant d’une partie de ses réserves. Un sous-groupe de l’EIAO basé sur le lac Tchad s’est même rallié à JAS au début de l’année 2023. Selon d’anciens membres des deux factions, l’EIAO et JAS ont perdu plus de combattants dans ces affrontements depuis 2021 qu’en affrontant les armées des États du Lac Tchad. L’EIAO se concentre désormais sur la consolidation de son contrôle dans d’autres zones de Borno. Pendant un certain temps, elle a suspendu ses attaques dans le centre du Nigéria, mais un incident survenu en janvier laisse penser qu’elles pourraient reprendre. 


Le conflit entre JAS et l’EIAO est lié à un désaccord fondamental sur la manière de traiter les civils.

Le conflit entre JAS et l’EIAO est lié à un désaccord fondamental sur la manière de traiter les civils. Alors que JAS considère tous les civils comme des cibles, l’EIAO traite les musulmans différemment des non-musulmans. L’EIAO a essayé d’améliorer les relations avec les civils musulmans, en les taxant et en assurant sa propre version de la loi et de l’ordre, plutôt que de simplement les voler, comme le fait JAS. Lorsqu’EIAO s’est emparé de la zone que le groupe JAS contrôlait auparavant dans la forêt de Sambisa, l’EIAO imposé son modèle plus bureaucratique aux combattants de JAS, en interdisant le pillage et en confisquant leurs armes. Leur mode de subsistance étant ainsi menacé, de nombreux combattants de JAS ont refusé de rejoindre l’EIAO. Certains ont choisi de se rendre aux autorités nigérianes, tandis que d’autres se sont battus. La contre-attaque de JAS a alimenté les tensions au sein de l’EIAO, entraînant des défections. On estime que, depuis 2021, plusieurs milliers de combattants ont quitté les deux factions réunies. 

Si les gouvernements de la région du lac Tchad peuvent considérer le conflit entre les deux factions jihadistes comme une bonne nouvelle, il s’accompagne de risques et de conséquences pour les populations locales. Les deux groupes comptent encore des milliers de combattants et contrôlent des portions entières de territoire. Ils ont négocié l’un avec l’autre à plusieurs reprises et, bien que cela semble peu probable, ils pourraient encore parvenir à un cessez-le-feu ou à un accord de coopération, ce qui donnerait une nouvelle orientation au conflit. Mais même s’ils continuent à s’affronter et que les pertes restent faibles pour les armées des quatre États du lac Tchad, les civils des zones rurales restent très exposés à la violence jihadiste. Comme JAS contrôle désormais une grande partie du lac Tchad et des Monts Mandara, il est probable qu’il intensifiera ses activités de prédation, notamment au Cameroun, au Niger et au Tchad. Son renforcement pourrait inciter une partie des milliers de combattants de JAS qui s’étaient rendus à reprendre les armes. Quant à l’EIAO, elle continuera probablement à essayer de resserrer son emprise sur le centre de l’État de Borno et l’est de l’État de Yobe, exerçant sans doute une pression plus forte sur les civils dans ces régions. Elle dispose également de réseaux en dehors du nord-est du Nigéria.

Les autorités du Nigéria et des autres États du lac Tchad ne peuvent se permettre de négliger les dangers que l’évolution du conflit fait peser sur la population. Le gouvernement nigérian affirme que l’heure de la reconstruction a sonné, mais cette annonce de victoire est prématurée. Étant donné que les combats risquent de perdurer, les autorités régionales et les partenaires extérieurs devraient redoubler d’efforts pour atténuer l’impact sur les civils et offrir aux combattants une alternative au conflit. Ils devraient développer l’aide humanitaire plutôt que de la supprimer progressivement, tout en élaborant de meilleurs protocoles de ciblage afin d’éviter les pertes civiles lors des frappes aériennes. Ils devraient également améliorer et étendre les programmes de soutien aux transfuges. Enfin, la coopération régionale en matière de sécurité dans la zone du lac Tchad s’est dégradée ces dernières années ; il est temps de redynamiser la Force multinationale mixte formée du Nigéria et de ses pays voisins du lac Tchad. 

Source of original article: RSS (www.crisisgroup.org).
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