« Grâce à notre action collective, une dynamique nouvelle est en train de se créer pour la justice en Libye », a affirmé Nazhat Shameem Khan, procureure adjointe de la CPI, devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Un aperçu qui, à lui seul, marque une rupture avec des années d’immobilisme.
Les crimes de Mitiga
L’élan salué par la magistrate internationale tient d’abord à un nom : Khaled Mohamed Ali El Hishri. Arrêté en Allemagne le 16 juillet en vertu d’un mandat de la CPI, il est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour des actes commis entre 2015 et 2020 à la prison de Mitiga, à Tripoli : homicides, tortures, viols, violences sexuelles contre détenus libyens et migrants. Longtemps, ces lieux ont constitué « une zone interdite pour la justice », a rappelé la procureure adjointe, une enclave d’abus où les bourreaux se savaient à l’abri.
Dans ce contexte, le transfert imminent de M. El Hishri vers La Haye, où siège la CPI, a valeur de symbole. Il sera le premier accusé jugé par le tribunal international dans le cas libyen.
Deux autres noms viennent s’ajouter au dossier : Osama Elmasry Njeem, lui aussi poursuivi pour des crimes commis à Mitiga, dont le bureau du procureur cherche à confirmer l’arrestation supposée en Libye ; et Saïf Suleiman Sneidel, visé par un mandat d’arrêt pour crimes de guerre à Benghazi lors de l’« opération Dignité », accusé notamment d’avoir participé à trois exécutions de masse en 2014.
Les suspects sont désormais au centre d’un effort international coordonné. « Ceux qui infligent souffrance et terreur en Libye se trompent s’ils pensent encore échapper à la justice », a insisté Mme Khan.
Pressions sur la cour
Cette séquence judiciaire survient alors que Mme Khan est elle-même visée, depuis le 20 août, par des sanctions américaines, aux côtés de plusieurs autres hauts responsables de la CPI. Washington leur reproche leur « participation directe » aux efforts de la cour visant à poursuivre « des ressortissants des États-Unis ou d’Israël, sans le consentement de l’une ou l’autre de ces nations ». Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, fait ainsi l’objet, depuis novembre 2024, d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza.
Devant les membres du Conseil de sécurité, dont les États-Unis sont l’un des cinq membres permanents, la procureure adjointe a dénoncé les obstacles « sans précédent » auxquels le tribunal est selon elle confronté.
« Les mesures coercitives et les actes d’intimidation visant la CPI, la société civile et d’autres partenaires de la justice ne servent que ceux qui espèrent tirer profit de l’impunité en Libye et dans toutes les situations dont nous sommes saisis », a-t-elle dit.
Depuis le mois de février, le procureur de la cour, Karim Khan, à l’origine du mandat d’arrêt contre M. Nétanyahou, est également visé par des sanctions américaines. M. Khan, qui est sans lien de parenté avec la procureure adjointe, s’est mis en retrait de ses fonctions au printemps, en attendant les conclusions d’une enquête administrative le concernant pour « faute présumée ». La procédure fait suite à des allégations de comportement sexuel inapproprié que le procureur aurait eu envers une employée, accusations que M. Khan dément.
Tarhounah, Benghazi, Tripoli : l’étau se resserre
Si Mitiga concentre l’attention des procureurs de la CPI, d’autres lieux hantent la géographie judiciaire libyenne. Tarhounah, à environ 65 km au sud-est de Tripoli, où des centaines de corps ont été découverts dans des fosses clandestines laissées par des milices.
Benghazi, plus à l’Est, théâtre d’exécutions publiques filmées comme autant de messages de terreur. Pour la procureure, « l’ampleur des crimes exige notre action collective ».
L’objectif est clair, obtenir l’arrestation, où qu’ils se trouvent, des auteurs présumés de ces atrocités. Une mécanique complexe qui nécessite le concours d’États souvent divisés sur la crise libyenne.
Un gouvernement libyen plus impliqué
Autre signe de rupture, la coopération de Tripoli. Le gouvernement d’unité nationale a récemment transmis à la CPI une déclaration par laquelle il accepte sa compétence sur certains crimes, en vertu d’un mécanisme prévu pour les États non membres du Statut de Rome, le document fondateur de la cour. Il s’agit là d’un geste rare, lourd de sens politique dans un pays fragmenté par les rivalités armées.
Depuis la chute du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, en 2011, le pays connaît un morcellement institutionnel. À l’ouest, un gouvernement d’unité nationale reconnu par l’ONU et dirigé par Abdel Hamid Dbeibah. À l’est, une armée nationale libyenne aux ordres du maréchal Khalifa Haftar. Ces deux exécutifs antagonistes sont appuyés par des parlements distincts : le haut conseil d’État, à Tripoli, et la chambre des représentants, à Tobrouk.
Selon la procureure, la coopération des autorités de Tripoli « ne s’est pas limitée à un texte ». Des échanges plus réguliers, des demandes de rendez-vous de haut niveau, notamment du procureur général libyen, et un soutien explicite du premier ministre Dbeiba et du président Mohammed al-Menfi ont, pour la première fois depuis longtemps, rendu possible la reprise de certaines éléments d’enquête.
Victimes et société civile
Aussitôt, la parole des victimes reprend place. Depuis six mois, plus de 150 interactions avec des associations libyennes et internationales ont été menées. Toutes décrivent un recul de la peur et le sentiment de ne plus parler dans le vide. « Ils voient des progrès tangibles », résume Mme Khan, qui dit percevoir une « confiance accrue » envers la cour.
Mais pour la société civile, seules des avancées concrètes, traduites en procès crédibles, peuvent infléchir la logique d’impunité qui structure la violence libyenne.
Les migrants au centre d’un système d’abus
La procureure a également insisté sur les crimes visant les migrants, pilier invisible de l’économie de guerre libyenne. Un réseau international d’enquêtes mené par cinq États parties a permis d’ouvrir aux Pays-Bas le procès d’un Érythréen, Tewelde Goitom, dit « Walid », accusé d’extorsion et de trafic d’êtres humains, dont les opérations s’étendaient jusque dans les zones de conflit libyennes. Un second suspect devrait être extradé des Émirats arabes unis vers l’Europe avant la fin de l’année.
Ces affaires révèlent un même fil rouge : la Libye n’est plus, pour les trafiquants et commandants de milices, une enclave où les crimes restent sans écho à l’extérieur.
À l’issue de son intervention, la procureure adjointe n’a pas cherché à embellir le tableau. « Cet espoir est réel, mais il est aussi fragile », a-t-elle prévenu. Mais elle a laissé entrevoir une possibilité rare dans la crise libyenne, l’idée qu’une page puisse enfin être tournée.
La procureur adjointe de la CPI n’a aucun lien de parenté avec Karim Khan, le procureur de la cour. Ce dernier s’est mis en retrait de ses fonctions en attendant les conclusions d’une enquête administrative le concernant pour « faute présumée », dans le cadre d’allégations de comportement sexuel inapproprié qu’il aurait eu envers une employée, accusations qu’il dément.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
To submit your press release: (https://www.globaldiasporanews.com/pr).
To advertise on Global Diaspora News: (www.globaldiasporanews.com/ads).
Sign up to Global Diaspora News newsletter (https://www.globaldiasporanews.com/newsletter/) to start receiving updates and opportunities directly in your email inbox for free.



























