Assis en tailleur sur son lit d’hôpital, Abed al-Rahman s’agrippe au bras du responsable onusien pour ne pas sombrer. L’adolescent de 13 ans peine à garder la tête droite. Il vacille à plusieurs reprises, mais parvient à se ressaisir. Intubé et sous perfusion, Abed tient à raconter l’épreuve qu’il vient de traverser.
Son père lui avait donné un peu d’argent pour aller acheter du pain. En chemin, il a aperçu une foule se diriger vers un site de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une initiative soutenue par Israël et les États-Unis qui, depuis la fin mai, distribue de la nourriture dans l’enclave palestinienne, sans passer par le système humanitaire des Nations Unies.
« Il a pensé que c’était l’occasion de ramener plus que du pain pour sa famille », explique James Elder, visiblement ému.
Soudain, une explosion retentit à proximité de la file d’attente où se trouvait Abed. Son corps frêle et amaigri par la faim est aussitôt criblé d’éclats d’obus. Les médecins retireront des fragments jusque dans sa rate et son pancréas.
« J’ai encore des morceaux à l’intérieur de mon corps qui n’ont pas pu être retirés », explique Abed, le visage figé par la douleur. Il regarde droit dans la caméra : « Je souffre terriblement… Il n’y a rien ici pour m’aider ».
Aujourd’hui, Abed n’est plus. Ses blessures ont eu raison de lui. À moins que ce ne soit le blocus humanitaire infligé par Israël à Gaza depuis le début du mois de mars, les bombardements répétés de l’enclave par l’armée israélienne, ou encore les distributions d’aide non sécurisées mises en place par la GHF.
Une crise nutritionnelle hors de contrôle
La trajectoire d’Abed n’est pas une exception. Les chiffre compilés par l’Unicef dessinent une urgence vitale : celle de milliers d’enfants gazaouis en proie à la malnutrition.
En mai 2025, plus 5.000 enfants de 6 mois à 5 ans ont été admis dans les centres nutritionnels soutenus par l’agence onusienne, selon un communiqué publié jeudi. Près de 50 % de plus qu’en avril et plus du double par rapport à février, lorsqu’un cessez-le-feu permettait encore l’acheminement massif de l’aide humanitaire.
Parmi eux, 636 souffrent de malnutrition aiguë sévère, la forme la plus grave et la plus létale. Ces enfants nécessitent un traitement quotidien, une alimentation adaptée, de l’eau potable et des soins constants – autant de ressources désormais rarissimes dans l’enclave assiégée.
« Du début de l’année à fin mai, 16.736 enfants – soit une moyenne de 112 enfants par jour – ont été admis pour traitement contre la malnutrition dans la bande de Gaza », alerte Édouard Beigbeder, directeur régional de l’Unicef pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Chacun de ces cas est évitable. La nourriture, l’eau et les traitements nutritionnels dont ils ont désespérément besoin leur sont refusés. Des décisions humaines qui coûtent des vies ».
Des systèmes à l’agonie
À mesure que les bombardements israéliens détruisent les infrastructures et que le blocus étrangle l’approvisionnement de Gaza, les systèmes de santé et d’assainissement s’effondrent. Moins de la moitié des centres de traitement de la malnutrition restent aujourd’hui opérationnels — 127 sur 236. L’eau propre se fait rare. Le carburant, indispensable à la production d’eau et au fonctionnement des hôpitaux, est sur le point de manquer.
Dans ce contexte, les maladies prolifèrent. Un enfant sur quatre souffre de diarrhée aqueuse aiguë, une pathologie qui peut rapidement devenir mortelle en l’absence de soins. Des cas suspects d’hépatite A sont signalés. Et l’arrivée des fortes chaleurs laisse craindre le pire.
L’Unicef met en garde contre un engrenage fatal : la combinaison de la malnutrition et des maladies crée un cercle vicieux. Un enfant affaibli par la faim est plus vulnérable aux infections ; une diarrhée prolongée aggrave la dénutrition. Le risque de décès augmente brutalement.
« Un avertissement urgent »
Les stocks d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi – ces sachets de pâte hypercalorique utilisés pour sauver les enfants atteints de malnutrition aiguë – sont quasiment épuisés. La GHF, le nouveau canal de distribution soutenu par Israël, n’en fournit pas.
« Il s’agit d’un avertissement urgent », insiste Édouard Beigbeder. « Une action concertée est nécessaire immédiatement pour empêcher la famine de s’aggraver, la malnutrition d’augmenter, la propagation des maladies, le tarissement de l’eau et, en fin de compte, pour prévenir l’augmentation des décès d’enfants, pourtant totalement évitables ».
L’Unicef appelle Israël à autoriser l’entrée massive de l’aide humanitaire par tous les points de passage. L’agence exhorte également l’ensemble des parties au conflit à respecter le droit international humanitaire, à protéger les civils, et à garantir l’accès sûr et digne à l’aide, où qu’elle soit nécessaire.
Car derrière les chiffres, il y a des visages. Celui d’Abed al-Rahman, qui s’est éteint simplement parce qu’il voulait chercher à manger pour lui et sa famille. Comme tant d’autres, il n’a pas été tué sur le coup. Il a attendu, souffert, puis disparu dans un dédale de pénuries organisées. « Depuis 6 heures du matin, je demande des analgésiques, mais ils n’en ont pas », confit-il dans la vidéo, quelques jours avant son décès.
Ce sont ces morts-là que l’Unicef et les travailleurs humanitaires présents à Gaza redoutent par milliers dans les semaines à venir, si rien ne change.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
To submit your press release: (https://www.globaldiasporanews.com/pr).
To advertise on Global Diaspora News: (www.globaldiasporanews.com/ads).
Sign up to Global Diaspora News newsletter (https://www.globaldiasporanews.com/newsletter/) to start receiving updates and opportunities directly in your email inbox for free.