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Ouestafnews (en collaboration avec Niamey Soir) – Depuis l’installation des nouvelles autorités issues des élections de 2020-2021, une seule manifestation publique de la société civile a été autorisée à Niamey. C’était le 18 septembre 2022. Mais plus que l’interdiction de manifester, ce sont les limites imposées à leur mobilité qui exaspèrent les citoyens. Surtout en milieu rural.

« Comment peut-on parler de démocratie dans un pays où les manifestations publiques citoyennes sont systématiquement interdites depuis plusieurs années ? », s’interroge M. Soumaila Yayé, un jeune opérateur économique de la capitale.

M. Yayé a raison de se poser la question. En juin dernier, le Mouvement Tournons La Page (TLP-Niger), une coalition de 17 organisations de la société civile a publié un rapport qui souligne que de 2014 à ce jour, au moins 53 manifestations ont été interdites, au moins 1.091 personnes ont fait l’objet de détention préventive, allant jusqu’à 19 mois d’incarcération. Internet a été coupé à trois reprises.

Ces formes de restrictions aux libertés ne sont pas nouvelles au Niger. Les régimes d’exception, le pays en a aussi connus par le passé.

C’est en 1991 (soit trente ans après son indépendance) que le pays embrasse véritablement le pluralisme démocratique à la faveur de la Conférence nationale souveraine. Cette phase de l’histoire politique du Niger donna naissance à une société civile très forte, libérant ainsi la parole.

Aujourd’hui, ces acquis, sans être totalement remis en cause, semblent quelque peu compromis, dans un contexte sécuritaire national fragile.

A son arrivée au pouvoir, le président Mohamed Bazoum élu en février 2021, avait suscité l’espoir quant à une plus grande ouverture de l’espace civique, par le truchement des consultations avec la société civile. Mais cet espoir a vite laissé la place aux inquiétudes : interdictions de manifestations organisées par Tournons La Page les 5 et 12 décembre 2021, ainsi que les arrestations pour « attroupement illégal » de leurs membres le 10 décembre 2021 à l’occasion de la Journée des droits humains.

« Il est inquiétant de constater que depuis 2018, toute demande de manifestation (…) ait été systématiquement interdite avec pour motifs la crise sécuritaire ou l’urgence sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 », avait regretté le Togolais, Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial des Nations unies, à l’issue d’une visite officielle au Niger, fin 2021.

Le Rapporteur spécial était d’autant plus inquiet que les manifestations interdites l’étaient souvent parce qu’elles visaient à exprimer « des points de vue opposés à ceux du gouvernement.

La crise sécuritaire ne peut pas, à elle seule, justifier l’interdiction systématique des manifestations publiques, selon M. Voule, cité par le Communiqué des Nations unies sur son site. Car, estime-t-il, « c’est en période de crise que les citoyens ont le plus besoin de s’exprimer sur la manière dont une telle crise est gérée, à travers l’exercice de leur droit de réunion pacifique ».

Prétextant la situation que vit le Niger depuis plusieurs années, et notamment les attaques terroristes dans les régions de Diffa (est), Tahoua (nord-est) et Tillabéri (ouest), les autorités de Niamey ont pris de nombreuses mesures ayant conduit à la restriction des libertés.

Ainsi en juillet 2019 et juin 2020, le Niger a adopté deux lois « jugées » répressives et pouvant porter préjudice aux libertés publiques. La première porte sur la répression de la cybercriminalité alors que la deuxième porte sur l’interception de certaines communications émises par voie électronique.

Le magistrat Sani Dibadje, explique que « ces lois sont prises pour prévenir et lutter contre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme ». Dans la réalité, leur application a rendu plus complexe l’exercice des libertés publiques.

Première conséquence : les interpellations et arrestations d’acteurs de la société civile, de journalistes, d’opposants politiques ou toute autre personne ayant des opinions différentes de celles du régime en place.

« Nous ne sommes pas surpris par la persistance des restrictions des libertés dans notre pays », avance le Pr Issoufou Yahaya, politologue qui rappelle que c’est la même situation qui prévalait du temps où « le Chef de l’Etat actuel, Mohamed Bazoum, était ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, sous le régime de son prédécesseur et ami Issoufou Mahamadou ».

M. Bazoum a succédé au président Issoufou à la faveur de l’élection présidentielle de 2021.

Du côté du gouvernement on justifie ces mesures sévères par la situation sécuritaire dans la région de Diffa, depuis début 2013, et plus récemment dans les régions de Tahoua et Tillabéri.  Dans ces régions l’état d’urgence est en vigueur depuis 2015 — notamment à Diffa, et a été renouvelé plusieurs fois.

Sur le terrain, l’état d’urgence se traduit par l’instauration d’un couvre-feu, la limitation des mouvements d’aller et venir des citoyens en zone de conflits, l’interdiction de rouler à moto, la fermeture des marchés, l’interdiction de certaines activités économiques au niveau local (pèches, cultures maraichères, etc.).

Les couvre-feux ont privé les populations d’un droit fondamental : la mobilité.« L’interdiction de circulation en moto a ralenti voire suspendu certaines activités parce que  les motos constituent  le principal moyen de transport dans la région où les voies sont peu praticables avec les véhicules », a témoigné Adamou Oumarou Mamar, coordinateur du Cadre de concertation et d’action citoyenne (de la société nigérienne indépendante) de Tillabéri.

Selon toujours M. Mamar,  avec l’interdiction des motos, les évacuations de malades vers les structures de santé dans les régions ou départements sont toujours difficiles dans certaines zones. « Même les ambulances qui assurent les évacuations sont souvent prises pour cibles par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS- armée régulières) qui les confondent à des véhicules qui bravent l’interdiction », ajoute le coordinateur du Cadre de concertation et d’action citoyenne de Tillabéri.

Dans le secteur de l’éducation, M. Adamou relève également des difficultés : « la majorité des enseignants de la zone utilisent les motos pour se déplacer. Avec l’interdiction de circulation de ces engins, ils  s’absentent deux à trois jours durant pour aller chercher leurs salaires ». Des absences qui selon lui, affectent négativement l’éducation des enfants dont une grande partie a déjà arrêté de fréquenter les rares écoles qui ont encore les portes ouvertes.  

D’aucuns se demandent si l’état d’urgence, devenu étouffant n’est pas source de frustration sociale. En attestent les sorties des organisations de la société civile dans la région de Tillabéri. Ces mécontentements sont caractérisés par la multiplication des actes de protestation comme les journées « ville morte » ou « marché mort » ; les déclarations publiques et les mouvements d’humeur, souvent suivis d’arrestation d’activistes.

A la question sécuritaire s’est ajoutée en 2020 et 2021 la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 que les autorités évoquent régulièrement pour interdire les manifestations publiques, qu’elles estiment hostiles au régime en place.

De quoi exaspérer des citoyens qui étouffent déjà sous le poids d’une insécurité chronique doublée de mesures draconiennes. Et voilà des années que cela dure.

AAA-FD/ts

Source of original article: Archives des Santé – Une information fiable et indépendante sur… (www.ouestaf.com).
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