« Trop souvent, nous nous réunissons dans des salles comme celle-ci, pleins de conviction et de détermination, sans finalement parvenir à changer véritablement la vie des femmes », a déploré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, devant le Conseil de sécurité, reconnaissant que les ambitions affichées dans la résolution 1325 « n’ont pas véritablement changé la vie des femmes et des jeunes filles prises dans un conflit ».
Ce texte, adopté en 2000 par le Conseil, avait pourtant marqué un tournant historique : pour la première fois, l’organisation affirmait que la paix ne pouvait être durable sans la participation active des femmes. Il ouvrait la voie à un vaste programme baptisé Femmes, paix et sécurité, destiné à transformer la manière dont la communauté internationale conçoit la guerre – non plus seulement comme un affrontement militaire, mais comme une crise humaine, où l’inégalité entre les sexes nourrit la violence et freine la réconciliation.
Cette nouvelle approche prolongeait l’élan né cinq ans plus tôt de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, premier cadre mondial pour l’égalité entre les sexes. Mais trois décennies plus tard, la promesse s’est effritée. En 2024, selon les Nations Unies, 676 millions de femmes vivaient dans un rayon de 50 kilomètres d’un conflit meurtrier, le plus haut niveau depuis les années 1990.
Des agentes de santé de l’UNRWA font l’inventaire des fournitures médicales dans Gaza-ville.
De Beijing à Gaza : la paix introuvable
Si les engagements politiques se multiplient, les réalités du terrain rappellent leur fragilité. « Les femmes continuent à bâtir la paix », a souligné Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes, l’agence onusienne chargée de la défense des droits des femmes. Des travailleuses humanitaires au Yémen, en passant par les soldates de la paix République centrafricaine, l’ex-diplomate jordanienne a salué celles qui « réduisent la violence communautaire ». Mais elle a aussi dénoncé les « coupes budgétaires sans vision à long terme » qui minent le travail de terrain : « Elles ferment des cliniques, compromettent l’éducation des filles et érodent les chances de paix ».
À ses mots d’inquiétude a fait écho un cri de colère. Noura Erakat, avocate américaine d’origine palestinienne spécialisée dans les droits humains, a pris la parole « au nom de ses sœurs palestiniennes », privées de la possibilité de s’exprimer. Décrivant la guerre à Gaza comme un « génocide », elle a dressé un tableau insoutenable : « En 2024, le taux de fausse couche a augmenté de 300 % à Gaza », a-t-elle affirmé, évoquant aussi les attaques contre les maternités et les cliniques, contraignant les femmes enceintes de l’enclave à « accoucher dans les toilettes publiques » ou « par ces aériennes sans anesthésie ».
Deux interventions, deux tonalités, mais une même idée : les femmes ne sont pas seulement des victimes de guerre, elles en sont aussi les témoins – celles qui refusent d’abandonner le lien entre la vie et la paix.
L’ombre des nouvelles technologies
À côté des récits de guerre, un autre champ de bataille s’impose : celui du numérique. Olga Ouskova, fondatrice du groupe Cognitive Technologies, une entreprise informatique basée à Moscou, a alerté le Conseil sur les dangers d’un monde où la technologie précède la morale. « Le développement de l’IA et des réseaux sociaux a ouvert la voie à une manipulation massive des consciences », a-t-elle averti. Selon elle, les femmes et les enfants sont « les premières victimes » de ces nouvelles formes de violence – qu’elles soient symboliques ou physiques, médiatiques ou militaires.
Pour cette pionnière de la robotique agricole, la menace est double : déshumanisation numérique d’un côté, automatisation létale de l’autre. « Il faut de nouvelles règles internationales sur la conduite des guerres utilisant des armes à base d’intelligence artificielle », a-t-elle plaidé, appelant aussi à la création d’un organe onusien chargé de détecter les deepfakes et les contenus manipulés destinés à attiser la haine.
Sa mise en garde technologique, venue de Russie, répondait étrangement aux avertissements de Noura Erakat venus de Gaza : deux univers, deux expériences, mais un même sentiment d’urgence face à une guerre qui se réinvente, échappant à la fois au droit, à la morale et à la raison.
Entre volonté et recul
Ces voix multiples renvoient à un paradoxe : jamais le discours sur l’égalité n’a été aussi présent, et jamais les reculs n’ont été aussi manifestes. António Guterres l’a rappelé : « Les femmes sont des leaders de la paix pour toutes et tous ». Pourtant, les faits démentent cette conviction. Dans plusieurs régions, les régimes autoritaires restreignent les droits des femmes ; ailleurs, les budgets consacrés à leur autonomisation sont rognés au profit des dépenses militaires.
Notre monde n’a pas besoin qu’on répète cette vérité, mais de résultats qui l’incarnent
Pour ONU Femmes, l’heure n’est plus aux déclarations, mais aux actes : imposer des quotas de femmes contraignants dans les négociations, sanctionner les violences sexuelles, financer directement les organisations locales dirigées par des femmes. C’est à ce prix, seulement, que l’esprit de 2000 pourrait reprendre vie.
Mais comme l’a résumé le chef de l’ONU, « notre monde n’a pas besoin qu’on répète cette vérité, mais de résultats qui l’incarnent ».
Une promesse à réinventer
Depuis la Déclaration de Beijing, en 1995, l’ONU a fait de l’égalité des sexes un pilier de la paix. Pourtant, le monde n’a jamais compté autant de femmes déplacées, violées ou assassinées. L’idéalisme des débuts s’est heurté à la realpolitik et à l’érosion du multilatéralisme.
Désormais, une évidence s’impose : pour que l’agenda Femmes, paix et sécurité survive, il ne suffit plus de convoquer des réunions périodiques, comme le traditionnel débat annuel de lundi au Conseil. Il faut redonner sens à l’engagement initial – non pas un hommage aux femmes victimes, mais un mandat de pouvoir pour celles qui refusent d’être effacées.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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