Un à un, les avocats et diplomates d’une quarantaine de pays et de trois organisations internationales se sont succédés, cette semaine, au pupitre de la plus haute instance juridique onusienne, à La Haye, en l’absence du principal intéressé, l’État d’Israël, qui n’a pas souhaité prendre part aux débats. 

Tous ou presque, à l’exception notable des États-Unis et de la Hongrie, ont dénoncé le blocage de l’aide humanitaire à Gaza et les entraves israéliennes au travail de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, devant 12 des 15 juges que compte la CIJ au total. 

Ces derniers, plus connus pour leur rôle d’arbitre dans le règlement des différends juridiques entre États, sont également amenés à rendre des avis consultatifs sur des questions précises, comme c’était le cas cette semaine, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui cherche à établir les devoirs d’Israël concernant les activités humanitaires à Gaza et en Cisjordanie. 

Ce n’est pas la première fois que la cour doit se prononcer sur des questions relatives au conflit israélo-palestinien. Dans l’un de ses avis les plus marquants en la matière, rendu en 2004, la CIJ a conclu que la construction par Israël d’un mur en Cisjordanie était contraire au droit international. Dans une autre opinion, l’an dernier, la cour a jugé illicite la présence continue d’Israël sur le territoire palestinien, y compris à Jérusalem-Est, que le pays occupe depuis 1967. Bien que non contraignants, ces avis ont une portée morale et symbolique majeure dans les autres instances internationales.

Les Gazaouis font la queue pour obtenir de la nourriture en janvier 2025, alors que celle-ci était plus largement disponible dans l’enclave, à la faveur du cessez-le-feu.

Un peuple affamé

Dès l’ouverture des audiences, lundi 28 avril, l’actualité brûlante s’est invitée dans l’enceinte feutrée de la CIJ, supplantant le jargon juridique employé d’ordinaire à la cour. « Le peuple palestinien est affamé, bombardé, déplacé de force par Israël », a notamment dénoncé l’ambassadeur palestinien à La Haye, Ammar Hijazi, rappelant que, depuis le 2 mars, l’armée israélienne interdit toute entrée de nourriture et de carburant dans le territoire. 

Selon le diplomate palestinien, 59 enfants seraient morts de faim depuis le début du blocus. Ils viennent s’ajouter aux plus de 51.000 Palestiniens tués dans les bombardements israéliens à Gaza depuis le début du conflit, le 7 octobre 2023.

Point d’orgue de sa plaidoirie, M. Hijazi a diffusé le témoignage vidéo d’un médecin australien, le docteur Muhammed Mustafa, qui s’est porté volontaire à Gaza, au mois de mars. « Lorsqu’on les intube, les patients se réveillent et s’étouffent car nous le faisons sans sédatifs », raconte le docteur. « Sept filles se sont faites amputer les jambes sans anesthésie. Les bombardements se poursuivent. Les murs tremblent. Je n’ai pas dormi ». 

Quatrième Convention de Genève

Ramenant le débat sur le terrain du droit international, la conseillère juridique de l’ONU, Elinor 

, a toutefois était on ne peut plus claire. Selon elle, la quatrième Convention de Genève, adoptée en 1949, impose à Israël, en tant que puissance occupante, de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire dans un territoire où une partie de la population est insuffisamment approvisionnée. 

Autrement dit, une action urgente est nécessaire de la part d’Israël pour soulager la souffrance des résidents de Gaza et s’acquitter de ses obligations. 

« Ces obligations impliquent d’autoriser et d’aider toutes les entités compétentes des Nations Unies à mener leurs activités au profit de la population locale », a insisté lundi la conseillère juridique.

Une opinion partagée par de nombreux représentants de pays, dont celui de la France. « L’aide humanitaire doit parvenir massivement à Gaza. Les restrictions à son accès doivent être levées sans délai », a ainsi appelé mercredi Diégo Colas, directeur des affaires juridiques du Quai d’Orsay.

« L’ensemble des points de passage doivent être ouverts. Le travail des acteurs humanitaires doit être facilité et leur personnel doit être protégé conformément au droit international », a-t-il ajouté. 

Outre le blocage de l’aide, depuis le début du conflit, 418 agents humanitaires ont été tués à Gaza, dont plus des deux tiers travaillaient pour l’ONU.

Les lois anti-UNRWA 

De nombreux plaidoyers se sont focalisés sur la question de l’UNRWA, dont l’action est entravée par deux lois israéliennes : l’une, qui lui interdit tout contact avec les autorités du pays, et l’autre, qui proscrit les opérations de l’agence en Israël, y compris à Jérusalem-Est, pourtant située dans le territoire palestinien occupé.

Concrètement, le personnel international de l’UNRWA n’a pas reçu de visa pour se rendre en Israël depuis l’entrée en vigueur de ces lois, fin janvier. Quant au personnel local de l’agence, le fait de ne pas pouvoir communiquer avec les responsables israéliens limite fortement sa capacité à coordonner les livraisons d’aide. 

Or, l’ONU considère ces deux lois comme étant contraires aux obligations d’Israël en vertu du droit international. Elinor Hammarskjöld a notamment jugé que l’interdiction faite à l’UNRWA d’opérer dans la ville sainte était « incompatible avec le statut juridique international de Jérusalem-Est ».

La conseillère juridique a également rappelé que la Charte de l’ONU confère certains privilèges et immunités à l’organisation, afin qu’elle puisse accomplir ses objectifs. « Ces privilèges et immunités s’appliquent à toutes les entités qui font partie intégrante des Nations Unies, y compris ses organes subsidiaires, comme l’UNRWA, qui a été créé par l’Assemblée générale », a-t-elle précisé.

Les États-Unis et la Hongrie

Soutenue par la plupart des intervenants à la CIJ, la position onusienne a cependant été contestée, mercredi, par la Hongrie et les États-Unis, dont le représentant, Josh Simmons, a défendu devant les juges l’attitude israélienne vis-à-vis de l’UNRWA. 

« Il existe des inquiétudes sérieuses quant à l’impartialité de l’UNRWA, notamment des informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l’UNRWA et que le personnel de l’UNRWA a participé à l’attaque terroriste du 7 octobre contre Israël », a affirmé le conseiller juridique du département d’État américain, .

« Compte tenu de ces préoccupations, il est clair qu’Israël n’a aucune obligation d’autoriser l’UNRWA à fournir une aide humanitaire spécifique ».

Un argument que Mohamed Helal, le représentant de la Ligue des États arabes, a jugé nul et non advenu. Dans la mesure où la CIJ a conclu par le passé qu’Israël ne disposait d’aucune souveraineté sur les territoires palestiniens, M. Helal a estimé que les deux lois anti-UNRWA « impliquant l’exercice d’une autorité de pouvoir souverain dans le territoire palestinien occupé […] sont illicites ».

L’UNRWA, garante du droit au retour 

Par ailleurs, M. Helal a rappelé que l’aide apportée par l’agence à plus de six millions de réfugiés palestiniens dans la région ne relève pas d’actes de charité. « L’UNRWA est bien plus qu’un organisme d’aide humanitaire », at-t-il souligné. « C’est l’instrument principal devant permettre à l’ONU de protéger le droit des réfugiés au retour ».

Or, pour le juriste de la Ligue des États arabes, si les réfugiés palestiniens se voient dénier leur droit au retour, « le peuple palestinien risquerait de perdre à tout jamais sa capacité d’exercer son droit à l’autodétermination ».

Étant donné l’urgence de la situation humanitaire à Gaza, les juges de la cour internationale devraient rendre rapidement une opinion. Nombre d’États, d’experts et d’observateurs internationaux attendent leurs conclusions avec impatience. Mais si la future portée juridique de cet avis n’est pas à mettre en doute, son impact politique demeure incertain.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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