C’est, en substance, le message qu’a porté, jeudi, Carlos Ruiz Massieu devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le représentant spécial du Secrétaire général en Colombie a salué les progrès accomplis, sans masquer les profondes fragilités du processus.

Carlos Ruiz Massieu, le représentant spécial pour la Colombie, au Conseil de sécurité de l’ONU.

« La Colombie d’aujourd’hui est bien différente de celle des années précédant la signature de l’accord de paix », a-t-il affirmé d’emblée, avant d’ajouter, sans ambages : « Le fléau de la violence continue d’affecter profondément la vie de communautés entières, d’anciens combattants, et de dirigeants sociaux et politiques ».

Depuis la conclusion de l’accord en 2016, 472 de ses signataires ont été assassinés. Deux nouveaux noms se sont récemment ajoutés à cette liste noire. Un chiffre glaçant, symptôme de la difficulté à transformer l’élan de paix en réalité pérenne, surtout dans les zones où l’État reste un mirage.

Un héritage en suspens

Au fil d’un discours dense et lucide, Carlos Ruiz Massieu, qui est aussi le chef de la Mission de vérification de l’ONU, a évoqué l’effort sans précédent déployé depuis la fin du conflit avec les FARC : désarmement de plus de 13.000 ex-combattants, programmes de développement rural, initiatives de justice transitionnelle, et ouverture démocratique sans équivalent. « Ce Conseil a pu constater de ses propres yeux […] leur détermination à bâtir des moyens de subsistance durables, en coexistence avec les communautés affectées par le conflit », a-t-il rappelé.

Mais les fruits de la paix sont mal répartis. Là où l’État peine à s’implanter, les groupes armés pullulent, dopés par les trafics en tout genre. « C’est dans les vides laissés par l’absence de l’État que prolifèrent les groupes armés et que prospèrent les économies illicites, alimentant la violence et entravant le développement », a mis en garde le chef de la mission onusienne. C’est notamment la cas de Catatumbo, une région sinistrée du nord-est de la Colombie, où des guérilleros guévaristes de l’Armée de libération nationale (ELN) ont attaqué en début d’année un groupe armé rival, connu sous le nom d’EMBF (Estado Mayor de los Bloques y Frentes, en espagnol). 

La justice, elle, avance à pas comptés. Si la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), saluée pour son caractère pionnier en matière de justice transitionnelle, s’apprête à prononcer ses premières sanctions — un tournant symbolique —, les victimes attendent toujours des réparations concrètes. Mais M. Ruiz Massieu se veut confiant : « Nous attendons avec impatience la publication prochaine de ses premières sanctions, étape décisive pour la réparation des victimes et l’avancement de la réconciliation ».

Un graffeur colombien illustre la déclaration universelle des droits humains.

L’attentat de trop

Un événement récent est cependant venu rappeler que la paix reste fragile, et que les vieux démons ne sont jamais loin. Le 7 juin, le sénateur et candidat à la présidence Miguel Uribe Turbay a été la cible d’un attentat. L’attaque, bien qu’il en ait réchappé, a choqué jusqu’aux travées du Conseil de sécurité. « Ce drame a ravivé le souvenir des violences politiques passées », a souligné le diplomate d’origine mexicaine, y voyant « la nécessité absolue de bannir toute forme de violence de la vie politique, un objectif explicite de l’Accord de paix ».

En réponse, la société civile s’organise. Et la Défensoría del Pueblo, l’organe public colombien chargé de la défense des droits humains, a lancé une initiative pour garantir des élections apaisées, avec l’appui de l’Église catholique, de la communauté internationale et de la mission de l’ONU.

À l’épreuve des élections

À l’approche d’une période électorale potentiellement polarisante, l’ONU appelle à maintenir le cap. Car si l’accord a résisté aux changements de gouvernement, il reste vulnérable aux tensions politiques internes. M. Ruiz Massieu, qui s’apprête à quitter la Colombie le mois prochain pour prendre ses nouvelles fonctions de Représentant spécial pour Haïti, a tenu à rappeler que les progrès proviennent d’un engagement collectif : « Ces avancées sont le fruit de gouvernements successifs aux orientations diverses, de l’engagement sans faille de l’autre partie signataire, et d’une large participation de la société civile ».

Le cap à tenir est clair : appliquer l’accord dans toutes ses dimensions, y consacrer les ressources promises, et garantir une présence étatique sur l’ensemble du territoire. « Le chemin de la paix n’est jamais facile, ni exempt d’obstacles. Mais persévérer est toujours une entreprise qui en vaut la peine », a conclu M. Ruiz Massieu, avant de saluer la « détermination » et la « dignité » du peuple colombien.

Dans les régions enclavées de Colombie, entre vallées oubliées et montagnes disputées, cette paix-là se conjugue au conditionnel. Mais dans la salle solennelle du Conseil de sécurité, ce matin, c’est un impératif qui s’est imposé.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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