Les deux figures emblématiques du mouvement anti-Balaka, cette milice à dominante chrétienne constituée en réaction aux exactions de l’ex-coalition à majorité musulmane Séléka, ont été reconnues coupables au terme d’un procès fleuve ouvert en 2021.
À La Haye, le verdict de la plus haute juridiction criminelle internationale, lu par le président de l’audience, Bertram Schmitt, est sans appel : meurtres, tortures, attaques contre des civils, déplacements forcés de population, saccages de lieux de culte, persécutions. Les trois principaux juges saisis de l’affaire ont établi la responsabilité pleine et entière des deux accusés dans une campagne d’une brutalité méthodique contre la population musulmane de l’ouest du pays.
Deux visages de la haine armée
Surnommé « Rambo », Alfred Yekatom n’était pas étranger au pouvoir. Ancien caporal-chef de l’armée centrafricaine devenu député, il commandait un groupe de quelque 3.000 hommes. Dans les quartiers de la capitale, Bangui, et sur l’axe PK9-Mbaïki, ses hommes ont tué, torturé, incendié.
La chambre a retenu contre lui des charges accablantes : assassinats, transferts forcés, actes inhumains, attaques contre des mosquées. Elle souligne qu’il « a exercé un contrôle total et sans entrave » sur son groupe, rattaché aux anti-Balaka, et qu’il connaissait les cibles de leurs exactions.
Son coaccusé, Patrice-Edouard Ngaïssona, était quant à lui le « coordinateur général national » des anti-Balaka. Figure politique influente, il a activement structuré le mouvement, levé des fonds, donné des ordres. À Bangui, Bossangoa, ou encore Yamwara, les juges estiment qu’il a facilité ou encouragé les pires abus : meurtres, tortures, détentions arbitraires, persécutions. La Cour a toutefois écarté des charges de viol et de pillage à son encontre.
La religion comme prétexte
Ce conflit n’était pas, à l’origine, « de nature religieuse », a tenu à rappeler la chambre. Mais dans le chaos qui a suivi la prise de Bangui par la Séléka en mars 2013, les leaders des deux bords ont « instrumentalisé la religion pour asseoir leur pouvoir ». La Séléka, officiellement dissoute fin 2013, avait alors renversé le président centrafricain en exercice, François Bozizé.
En réaction, les anti-Balaka se sont organisés, prenant pour cibles des civils musulmans accusés collectivement de collusion avec l’ennemi. Les attaques coordonnées de décembre 2013 sur Bangui et Bossangoa ont marqué un tournant. Les anti-Balaka ont alors lancé une « offensive généralisée », précise le jugement. MM. Yekatom et Ngaïssona ont joué un rôle moteur dans cette stratégie d’épuration ciblée.
Le siège de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, aux Pays-Bas.
Procès marathon pour crimes de masse
Les procédures contre les deux hommes ont débuté il y a plus de six ans. Arrêté en novembre 2018, M. Yekatom fut le premier à être transféré à La Haye. Quelques semaines plus tard, le 12 décembre 2018, M. Ngaïssona était interpellé en France, avant d’être remis à la CPI.
Au total, l’accusation a appelé 114 témoins, la défense 56, et 1.965 victimes ont participé à la procédure de la CPI, dont les audiences se sont échelonnées sur plus de trois ans. Les peines prononcées jeudi tiennent compte du temps déjà passé en détention.
Un écho au-delà du prétoire
À Bangui, Bossangoa, Boda et ailleurs, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Pour que ce moment de justice soit aussi un moment de reconnaissance publique, l’équipe de sensibilisation de la juridiction pénale avait organisé la retransmission en direct du verdict devant plus de 300 personnes : représentants de la société civile, journalistes, diplomates, étudiants.
Au siège de la cour à La Haye, la salle était comble, suspendue aux mots du juge Schmitt. Dans les regards, l’émotion, la gravité, parfois le soulagement. La parole des victimes, longtemps étouffée, résonnait enfin dans l’enceinte d’une justice internationale.
Un symbole pour la justice internationale
La CPI offre ici une rare victoire judiciaire dans une affaire de crimes de masse commis sur le continent africain. « MM. Yekatom et Ngaïssona savaient que les anti-Balaka percevaient […] les musulmans de la RCA comme collectivement responsables, complices ou partisans des violences et des abus commis par la Séléka et que les Anti-Balaka ciblaient la population civile musulmane », écrit la cour.
Mais au-delà des noms des accusés, ce jugement sonne comme une mise en accusation de l’impunité chronique dont ont bénéficié les seigneurs de guerre en République centrafricaine.
Les deux condamnés resteront pour l’instant détenus au quartier pénitentiaire de la CPI, en attendant qu’un État accepte de les accueillir pour y purger leur peine. Leurs avocats, tout comme le bureau du procureur de la CPI, peuvent faire appel. Mais pour les victimes, ce 24 juillet restera celui d’une forme de reconnaissance. La justice, certes tardive, a fini par leur donner raison.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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