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Ouestafnews – Dans la commune lacustre de Sô-Ava, dans le sud du pays, les populations vont rarement se faire consulter ou soigner dans les structures de santé. Elles préfèrent se soigner elles-mêmes. Malgré les risques.

Assise sur le bord du lit d’une salle d’hospitalisation, Albertine Hounsa ne quitte pas des yeux le dispositif de perfusion qui relie sa fille Sèna à la vie. La respiration saccadée, la fillette d’environ quatre ans dort, les yeux mi-clos. « Elle a ouvert les yeux aujourd’hui et a demandé une orange », souffle la mère de l’enfant, visiblement soulagée.

Ce jour-là, la petite fille malade et sa mère se trouvaient au Centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué à Vekky, un arrondissement de Sô-Ava.

La veille, cette commerçante a eu la peur de sa vie en voyant sa fille perdre connaissance au milieu de ses camarades de jeu, selon ses propres témoignages. Trois jours plus tôt, pour combattre la fièvre de sa fille, Albertine, a eu recours à une vendeuse de médicaments. Celle-ci lui avait cédé, contre quelques centaines de FCFA, des comprimés à administrer à l’enfant. « Elle les a pris pendant trois jours. La fièvre a baissé. Je me disais qu’elle était guérie », relate Albertine Hounsa.

A une demi-heure de navigation de là, au quartier Sindomey dans l’arrondissement principal de Sô-Ava, Dieudonné Dègbo, un orphelin de 14 ans souffre dans sa chair. Victime d’une blessure causée par un clou, le jeune garçon, faute d’argent, n’a pu se rendre au centre de santé et est soigné avec les moyens du bord par des mères de famille de son voisinage.

Chacune de ses mamans y est allée de sa méthode : compresses d’eau chaude ou de tisanes chaudes appliquées sur la plaie à vif par-ci ; comprimés à avaler pour « tuer » la plaie par-là ; rien n’a été épargné au jeune garçon. « Le pied de l’enfant était si enflé que ça faisait peur », raconte Bernadette Kokodé, restauratrice et voisine du jeune garçon. Elle ajoute qu’elles ont au moins « réussi à faire sortir le pus » du pied du jeune garçon.

Cet acharnement thérapeutique n’a cependant pas sorti Dieudonné Dègbo d’affaire. Sa « petite blessure » s’est transformée en une plaie purulente. Dieudonné boitille désormais. Face à la dégradation de son état de santé, le jeune garçon s’est retrouvé au centre de santé par l’entremise d’une ONG informée de son état de santé défaillant.

Pratique courante

Sèna et Dieudonné ne sont pas des cas isolés. L’automédication est ici une pratique courante, comme dans le reste du Bénin et bon nombre d’autres pays d’ailleurs.

L’automédication, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) consiste à recourir à un médicament de sa propre initiative ou de celle d’un proche, dans le but de soigner une affection ou un symptôme qu’un individu a lui-même identifié, sans avoir recours à un professionnel de santé.

A Sô-Ava, les populations préfèrent d’abord se soigner par leurs propres moyens. « Voir des gens venir se faire consulter d’eux-mêmes est rare. Ils croient qu’en le faisant, ils dépenseront beaucoup », explique Aurèle Aïtchédji, le directeur du Centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué. Ce que confirme Mahumin Koudédo, une mère de famille : « Avec 500 ou 1000 FCFA, je peux payer les traitements à domicile. Au centre de santé, la consultation coûte cher, sans compter les médicaments ».

En 2020, dans la commune de Sô-Ava, seulement 11 % de la population ont fréquenté les services de santé contre une moyenne de 53,8 % au plan national.

En Afrique, cette pratique est aussi associée aux faux médicaments qui peuvent être sans principe actif ; avec un principe actif diminué ou encore contenir des substances toxiques.

Selon l’OMS, 10 % des produits pharmaceutiques dans le monde sont contrefaits. Un taux qui atteint 30 % en Afrique.

En partenariat avec Interpol, le gouvernement béninois avait organisé en février 2017 et sur tout le territoire, l’opération « Pangea IX » contre le commerce illicite de médicaments. Les médicaments contrefaits n’ont toutefois pas disparu de la commune Sô-Ava, en raison de sa proximité avec le Nigéria où vont s’approvisionner les trafiquants. Le commerce est désormais souterrain. Les vendeurs n’exposent plus les produits ostensiblement sur leurs étals. Ils les cèdent clandestinement à une clientèle qu’ils ont su fidéliser.

Bernadette Kokodé a ses fournisseuses attitrées. « Quand je suis malade, je vais chez les vendeuses. Je leur explique mon mal et elles me vendent les médicaments appropriés », témoigne-t-elle.

La commune de Sô-Ava ne dispose que d’un dépôt pharmaceutique, difficilement accessible surtout en période de crue, qui vient s’ajouter à quelques unités de cession de médicaments sous forme générique au niveau des centres de santé.

Des cocktails dangereux

L’automédication réalisée avec des médicaments pharmaceutiques industriels s’associe aussi à la pharmacopée. Pour plus d’efficacité, certains associent les comprimés aux tisanes avant de les consommer. Mahumin Koudédo, mère de famille, confie qu’elle le fait pour soigner ses enfants : « Quand ils tombent malade je les traite à la maison avec les médicaments du Nigéria et les tisanes ».

Ces combinaisons, faites par les consommateurs sans aucun contrôle, sans aucune connaissance ni expertise, comportent des risques.

 « Si les deux produits ont la même action », le patient peut très vite se retrouver avec un « problème de surdosage (…), qui est forcément délétère pour la personne qui est malade », explique Constant Vodouhê, docteur en pharmacologie et biologie cellulaire, tout en avertissant que cela peut détruire des organes vitaux comme le foie, les reins ou le cœur.

Dr Olympiade Akouehou, la responsable du dispensaire du Centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué évoque aussi des cas de mauvais usages des médicaments, surtout des produits contenant du Tramadol, un opiacé utilisé en médecine comme anti douleur. « Ils les prennent comme dopant afin de travailler sans se fatiguer. A un moment donné, ils n’arrivent plus à s’en passer et deviennent dépendants », regrette Dr Akouehou.

Derrière tous ces problèmes, une offre de services sanitaires insuffisante à Sô-Ava. Pour environ 145.000 habitants, la commune ne disposait en 2020 que de huit formations sanitaires, selon les statistiques officielles. Le personnel soignant se résumait à un médecin, quinze infirmiers et sept sages-femmes. L’OMS recommande 25 agents qualifiés pour 10.000 habitants. En 2021, le Bénin en était à 4,8 agents pour 10.000 habitants.

MFN/fd/ts

Source of original article: Archives des Santé – Une information fiable et indépendante sur… (www.ouestaf.com).
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