Sous les nuages sombres des conflits voisins, Abyei demeure un territoire oublié. Dans cette bande de terre fertile et pétrolifère, lovée entre le Soudan en guerre et un Soudan du Sud de plus en plus instable, les Nations Unies s’efforcent d’empêcher une escalade.
La Sous-Secrétaire générale de l’ONU pour l’Afrique, Martha Pobee, au Conseil de sécurité (photo d’archive).
Mercredi, devant le Conseil de sécurité, la Sous-Secrétaire générale de l’ONU pour l’Afrique, Martha Pobee, a livré un tableau sans détour dans la zone : un processus politique « stagnant », une présence armée accrue, une misère qui s’approfondit.
« Le processus politique entre le Soudan et le Soudan du Sud sur Abyei et les questions frontalières restent bloqués », a-t-elle rappelé, ajoutant que les timides signaux de dialogue observés depuis mai n’ont pas encore produit de résultats tangibles.
Un territoire sans paix depuis la sécession
Abyei, environ 10 000 km² de savane au cœur du bassin pétrolier du Nil, a été l’un des foyers les plus inflammables de la partition du Soudan, en 2011. Depuis, la zone est surveillée par la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), forte de plus de 4 000 casques bleus éthiopiens, ghanéens et pakistanais.
Mais l’équilibre reste fragile. L’effondrement du Soudan dans la guerre civile depuis avril 2023 a relancé les tensions, tandis que la fragilité politique du Soudan du Sud n’a cessé de freiner toute avancée.
« Je presse les deux pays d’aller au-delà des déclarations d’intention », a insisté Mme Pobee, les exhortant à « accélérer la mise en œuvre des accords existants » et à utiliser les mécanismes de coordination créés pour surmonter les différends frontaliers.
Les Casques bleus de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) aident à dégager des véhicules embourbés.
Une mission prise en étau
Sur le terrain, la mission onusienne fait face à une situation de plus en plus complexe. Les éléments des Forces de soutien rapide (FSR) – milice paramilitaire engagée dans la guerre civile au Soudan – se sont infiltrés dans la partie nord d’Abyei, y érigeant des points de contrôle illégaux et alimentant la criminalité.
« UNISFA a dû engager régulièrement le dialogue avec ces acteurs armés pour faciliter leur retrait et leur rappeler que leur présence est contraire au statut démilitarisé d’Abyei », a-t-elle expliqué.
Au sud, ce sont les forces de défense du Soudan du Sud qui violent le même principe. En octobre, une fusillade entre soldats sud-soudanais a provoqué la mort de plusieurs militaires et poussé plus de cent civils à chercher refuge dans les bases de la FISNUA.
Mme Pobee a renouvelé son « appel au retrait immédiat de toutes les forces armées et acteurs armés » d’Abyei.
Amiet, marché de la discorde
Symbole des fragilités locales, le marché d’Amiet, vaste carrefour commercial entre les communautés Dinka, Misseriya et Nuer, est devenu un foyer de tensions. Les Dinka Ngok, sédentaires majoritairement chrétiens, revendiquent Abyei comme terre ancestrale ; les Misseriya, nomades arabes musulmans du Kordofan, y mènent depuis des générations leur transhumance saisonnière ; les Nuer, installés plus au sud, s’y trouvent entraînés par les recompositions internes du Soudan du Sud.
Si les violences intercommunautaires ont reculé depuis le début de l’année, « le niveau de criminalité y reste élevé », a-t-elle noté. Des affrontements récents entre Dinka Ngok et Nuer ont provoqué le déplacement de plus de 150 personnes vers les bases de l’ONU.
UNISFA tente d’y renforcer l’état de droit, combinant unités militaires, police et personnel civil pour stabiliser la zone. Mais l’ONU ne cache pas que « le meilleur moyen d’y assurer l’état de droit » serait le déploiement complet des unités de police constituées autorisées par le Conseil de sécurité – ce qui dépend toujours des deux gouvernements.
Un membre médical du bataillon pakistanais de la FISNUA fournit des soins et des médicaments à la communauté locale d’Um Khae, à Abyei.
Une crise humanitaire silencieuse
À la précarité sécuritaire s’ajoute la détresse humanitaire. Le conflit au Soudan a provoqué un nouvel afflux de déplacés et une flambée des prix. « Les besoins humanitaires accrus à Abyei, combinés à l’absence chronique de services de base, soulignent l’importance du programme conjoint de l’ONU pour Abyei », a averti Mme Pobee. Mais faute de financement, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a suspendu ses activités en juillet, et le Programme alimentaire mondial (PAM) a réduit sa présence.
L’ONU tire la sonnette d’alarme : les coupes budgétaires imposées au budget de sa mission de maintien de la paix – 15 % pour cette période – vont encore amoindrir la capacité d’UNISFA à protéger les civils et à soutenir la coexistence entre les communautés.
Une fragile lueur d’espoir
Dans cette morosité, quelques signes positifs subsistent : la tenue d’une conférence post-migration réussie entre représentants Ngok Dinka et Misseriya au printemps, et l’émergence d’un rôle accru des femmes dans la médiation locale : 41 % des déléguées lors de la dernière rencontre communautaire.
« Le travail de la mission pour promouvoir la primauté du droit à Abyei est plus crucial que jamais », a insisté la responsable onusienne, saluant « les efforts infatigables » des soldats et civils de la mission, malgré les restrictions de moyens.
Dans cette enclave où se mêlent les souffrances de deux États, la paix reste suspendue à un fil. Abyei, zone tampon, attend encore que les promesses de 2011 retrouvent un souffle.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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