Meurtres, viols collectifs, famine, un million de déplacés. S’il fallait retenir une seule chose du discours de Laurent Saint-Cyr, c’est bien le constat d’une nation en guerre – « une guerre entre des criminels qui veulent imposer la violence comme ordre social et une population désarmée qui lutte pour préserver la dignité humaine ». Derrière cette formule, une réalité morbide : l’essentiel de la capitale, Port-au-Prince, demeure sous la coupe de gangs lourdement armés qui, partout dans le pays, font régner la terreur.
Depuis quinze mois, une Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMS), dirigée par le Kenya, tente de rétablir un semblant d’ordre. Avalisée par le Conseil de sécurité mais non financée par l’ONU, cette opération dépend de contributions volontaires. Sur les 2.500 policiers initialement promis, moins d’un millier ont été déployés. La force est toutefois parvenue à sécuriser le principal aéroport du pays et à rouvrir certains axes routiers, sans pour autant empêcher Port-au-Prince de sombrer dans l’anarchie. « Leur bravoure n’a pas suffi à contenir la crise », a reconnu M. Saint-Cyr.
Vers une force de suppression des gangs ?
Alors que le mandat de la MMS expire début octobre, Haïti plaide, avec le soutien des États-Unis et du Panama, pour la création d’une Force de suppression des gangs de 5.500 membres. Washington souhaite que la future mission soit mandatée au titre du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui autorise le recours à la force en cas de menace contre la paix. Elle serait épaulée par un nouveau Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti et dotée d’objectifs clairs : neutraliser les gangs, sécuriser les infrastructures vitales et restaurer un minimum de stabilité institutionnelle et sécuritaire.
« Haïti veut la paix. Haïti attend la paix. Haïti a droit à la paix », a martelé M. Saint-Cyr. L’enjeu est de taille : éviter le vide sécuritaire qui suivrait une interruption de la mission actuelle. Le Conseil de sécurité devrait se prononcer dans les prochains jours sur le projet de résolution américano-panaméen.
L’ombre de l’assassinat de Jovenel Moïse
Mais la sécurité n’est qu’une partie de l’équation. Le leader haïtien a insisté sur la nécessité de mener à son terme la transition politique actuelle. Le dernier président élu, Jovenel Moïse, a été assassiné en juillet 2021 dans sa résidence par un commando armé, plongeant le pays dans un chaos institutionnel. Depuis, aucun scrutin n’a été organisé et une succession de gouvernements de facto n’a pas réussi à rétablir l’ordre.
Né en 2024 d’un compromis laborieux entre partis politiques et société civile, sous l’égide de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le Conseil présidentiel de transition dirigé par M. Saint-Cyr doit préparer le retour aux urnes. Selon lui, plus de 85 % des centres de vote ont déjà été identifiés et 65 millions de dollars ont été mobilisés pour financer le processus. « Le peuple haïtien doit pouvoir choisir ses dirigeants », a-t-il affirmé, présentant l’organisation d’élections libres et crédibles comme une étape indispensable pour sortir du provisoire.
La « rançon » de l’indépendance
Laurent Saint-Cyr a élargi son propos au bicentenaire d’une blessure historique : l’ordonnance de 1825 par laquelle la France avait imposé à Haïti le paiement de 150 millions de francs-or en échange de la reconnaissance de son indépendance. Une « rançon » payée jusqu’en 1947, qui a saigné l’économie de la première république noire du monde.
« Notre voix s’élève pour réclamer réparation, non pas dans un esprit de revanche, mais avec un souci de justice et de vérité », a-t-il lancé. En juin dernier, l’Assemblée nationale française avait reconnu l’injustice de cette dette. Haïti a depuis mis en place un Comité national de réparations et de restitution, dans l’attente de gestes concrets de Paris.
« La France a aujourd’hui l’opportunité d’écrire une nouvelle page de son histoire avec Haïti », a insisté M. Saint-Cyr, faisant écho à des revendications plus larges sur les réparations coloniales, actuellement débattues au sein de l’ONU.
Au-delà des symboles et des promesses, l’urgence demeure : chaque jour qui passe profite aux gangs qui étouffent Haïti. Si le Conseil de sécurité n’agit pas rapidement, le pays risque de s’enfoncer un peu plus dans le chaos.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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