Soudan : El Obeid en passe de devenir le prochain El Fasher

« Le Soudan continue d’être confronté à l’une des plus graves crises de déplacement au monde », a déclaré Mohamed Refaat, chef de la mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Soudan. « Les familles fuient la violence sans préavis, laissant souvent derrière elles leurs maisons, leurs moyens de subsistance et leurs biens à la recherche de la sécurité ».

Déclenchée en avril 2023 par la rupture entre le général Abdel Fattah al-Burhan, à la tête du pays depuis 2019, et le chef des FSR, Mohamed Hamdan Daglo, la guerre civile a plongé 30 millions de Soudanais dans la détresse humanitaire et contraint 10 millions d’entre eux à prendre la fuite, dont la moitié sont des enfants.

Depuis l’an dernier, la famine touche plusieurs zones du pays, y compris le Darfour, dans l’Ouest, l’une des régions les plus touchées par le conflit. C’est là, fin novembre, que les rebelles ont pris possession d’El-Fasher, la capitale du Darfour du Nord, après plus de 540 jours de siège. La chute du dernier bastion gouvernemental la zone a provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes et mis en lumière la brutalité sans précédent des FSR, accusés de massacres de civils à caractère ethinique.

Depuis Port-Soudan, une ville du nord-est, sur la mer Rouge, dans laquelle les forces du général al-Burhan se sont repliées, fuyant l’instabilité dans la capitale, Khartoum, Mohamed Refaat a mis l’accent sur le nouvel épicentre du conflit : le Kordofan, à l’est du Darfour. Selon lui, les nouveaux déplacements observés n’ont rien de « sporadiques » et sont directement liés à « la peur des gens ». 

Dans les principales villes de la région, les habitants cherchent à échapper à des violences qu’ils jugent imminentes. « Les Soudanais ne se déplacent pas par choix, ils fuient simplement pour trouver la sécurité », a-t-il ajouté.

El Obeid, le nouvel El Fasher ?

L’OIM redoute désormais une aggravation rapide de la crise. « Dans la ville de Kadugli, nous estimons qu’environ 90 000 à 100 000 personnes dans cette zone seront déplacées si quelque chose se produit, si les combats se poursuivent, si elles ont la possibilité de quitter la ville », a averti M. Refaat.

Plus au nord, El Obeid, capitale de l’État du Kordofan du Nord, pourrait prochainement devenir la cible des FSR, selon l’OIM. « Nous estimons que plus d’un demi-million de personnes vont être touchées », a poursuivi le responsable de l’agence.

Parallèlement, u Darfour, la situation demeure critique. À El Fasher, plus de 109 000 personnes ont été déplacées depuis la prise de la ville, fin octobre.

Plus de 9 millions de déplacés internes

Une partie importante de ces populations déracinées reste néanmoins bloquée à proximité des zones de combat. « Nombreux parmi ces déplacés de force sont toujours bloqués dans les villages voisins, incapables d’aller plus loin en raison de problèmes logistiques et de sécurité », a souligné M. Refaat.

Au total, l’OIM estime que plus de 9,3 millions de personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur des 18 États du Soudan. À ce chiffre s’ajoutent plus de 3 millions de personnes récemment rentrées chez elles, souvent dans des conditions extrêmement précaires. Plus de la moitié des personnes déplacées sont des enfants.

Face à cette catastrophe humaine, l’OIM appelle à empêcher toute extension du conflit vers les zones où certains tentent, malgré tout, de reconstruire leur existence. « Nous ne devons pas oublier que l’avenir du Soudan doit s’articuler autour du relèvement et du retour, en particulier dans les États touchés tels que Khartoum, Sennar et Al Jazirah », a conclu M. Refaat.