Pourtant, au siège de l’ONU à New York, où nous avons rencontré ce photographe, écrivain, et fondateur d’une ONG britannique reconnue, plusieurs membres du personnel l’ont remercié après la conférence de presse – pour son honnêteté, d’une part, mais surtout pour avoir partagé des histoires trop souvent ignorées.

« Le processus visant à soutenir véritablement les personnes handicapées dans les situations de conflit n’a même pas encore commencé », s’impatiente-t-il dans une interview à l’ONU Info. 

Giles Duley était jusqu’à il y a peu premier défenseur mondial des Nations Unies pour les personnes handicapées en situation de conflit.

Giles Duley a débuté comme photographe musical. En 2000, son cliché de Marilyn Manson a été inclus parmi les 100 plus grandes photos de rock de tous les temps. En 2011, alors qu’il travaillait en Afghanistan, M. Duley a été grièvement blessé par un engin explosif improvisé. Il a perdu ses deux jambes et un bras. 

« Je voulais être inspiré, pas inspirer les autres »

En tant que défenseur des droits humains à l’échelle mondiale, son objectif était d’honorer la responsabilité que lui avaient confiée les personnes dont il a documenté la vie pendant des décennies. « Quand je photographie quelqu’un dans une zone de guerre, cette personne me dit toujours : “Partagez cette histoire avec les dirigeants” ». Mais, ajoute-t-il, « c’est là que j’ai échoué. Car trop souvent, quand j’étais invité à prendre la parole, on ne me demandait qu’à raconter mon histoire ».

Selon lui, les personnes handicapées sont trop souvent incluses symboliquement, et non concrètement : « J’ai assisté à de nombreuses conférences où, sur scène, on trouve une victime de mine ou une survivante de violences sexuelles. […] Tout le monde dit “Je suis vraiment inspiré”, mais combien de fois ces personnes participent-elles ensuite au débat sur un véritable changement de politique ? ».

Témoignages du front : Tchad, Ukraine, Gaza

Cette semaine, le défenseur s’est joint au service de l’action antimines des Nations Unies (UNMAS) et au bureau des affaires de désarmement pour inaugurer Forward, not fragmented, une exposition mettant en lumière les histoires de survivants, de démineurs et de communautés touchées par les munitions explosives. Plusieurs de ses photographies sont désormais exposées au siège de l’ONU. 

L’une de ses photographies provient d’un camp de déplacés au Tchad, près de la frontière soudanaise. On peut y voir une femme, nommée Nawali, qui a contracté la polio dans son enfance et est ensuite devenue enseignante et militante. Lorsque son village a été attaqué, précise M. Duley, « ils ont détruit son fauteuil roulant et elle a littéralement dû ramper pour se mettre en sécurité au Tchad ».

« Aucune organisation ne lui avait fourni de fauteuil roulant », déclare le défenseur des droits humains, car « il n’y avait pas d’experts pour déterminer qui était handicapé ». 

Julia, 32 ans, une jeune femme ukrainienne atteinte d’une grave paralysie cérébrale, dont les parents ont été arrêtés au début de l’invasion russe. « Sa mère répétait sans cesse : “Je dois rentrer à la maison, ma fille ne peut pas se nourrir toute seule” », raconte le photographe.

Une autre série de photographies montre Julia, une jeune femme ukrainienne atteinte d’une grave paralysie cérébrale, dont les parents ont été arrêtés au début de l’invasion russe. « Sa mère répétait sans cesse : “Je dois rentrer à la maison, ma fille ne peut pas se nourrir toute seule” », raconte le photographe. 

Lorsque la mère a finalement été libérée, « les soldats ont sourit sarcastiquement et ont dit : “Ne vous inquiétez pas. Nous nous sommes occupés d’elle. Nous lui avons donné des bonbons” ». Dans la chambre, elle a trouvé sa fille nue sur le lit, recouverte d’emballages de bonbons.

Dans la chambre, elle a trouvé sa fille nue sur le lit, recouverte d’emballages de bonbons.

Il a également raconté l’histoire d’Amro, un garçon de Gaza qui a perdu une jambe après avoir été blessé par un tireur embusqué. Après une évacuation sanitaire traumatisante, l’enfant est resté enfermé dans l’appartement familial pendant deux ans. 

« Il ne voulait pas sortir… car il avait peur du jugement des autres », se souvient M. Duley. Le photographe lui rendait souvent visite, cuisinait avec lui et a fini par le convaincre d’aller prendre un café sur la plage. « Parfois, ce sont ces petits gestes de gentillesse et de temps qui peuvent changer une vie ».

Ani Tcheba, Angola. Les portraits de Giles Duley révèlent la force et la douleur des femmes congolaises en exil.

« Arrêtez de voir le handicap en premier »

Malgré des décennies de militantisme, M. Duley constate que l’inaction systémique persiste en raison de la stigmatisation, de la gêne et des préjugés inconscients. Le défenseur  exhorte les professionnels des médias et de la communication à repenser leur représentation du handicap.

« La première chose dont on veut parler, c’est ce qui m’est arrivé il y a plus de dix ans », déplore-t-il. « Je ne demanderais jamais à quelqu’un de me raconter sa pire expérience d’il y a dix ans… Je veux qu’on parle de mon travail ».

Parallèlement, dit-il, les personnes handicapées ressentent souvent la pression de cacher ce qu’elles vivent « parce que tout le monde veut nous voir comme des personnes résilientes et positives ».

UN News/Evgeniya Kleshcheva

Giles Duley était jusqu’à il y a peu premier défenseur mondial des Nations Unies pour les personnes handicapées dans les situations de conflit.

Oubliés en temps de crise

Le photographe souligne que le handicap n’est pas une expérience monolithique. Par exemple, les personnes souffrant de troubles mentaux et de handicaps invisibles sont confrontées à des obstacles et des risques spécifiques. Et l’accessibilité aux fauteuils roulants, bien qu’importante, n’est pas le seul aménagement nécessaire à une véritable inclusion.

Les femmes handicapées, déclare-t-il, font face à « des défis plus importants, comme malheureusement pour les femmes dans la plupart des aspects de la vie » : accès limité aux toilettes, stigmatisation accrue. 

« En temps de crise, de guerre ou de catastrophe humanitaire, ces personnes deviennent plus vulnérables et sont souvent plus oubliées », explique M. Duley. « Il s’agit simplement de comprendre leurs besoins – cela leur permettra de bénéficier des mêmes droits ».

« Mon rêve est que chacun ait la même chance que moi »

Son message final aux dirigeants du monde s’appuie sur son propre rétablissement après l’explosion.

« J’ai reçu un soutien incroyable… et je vis maintenant la vie dont je rêvais. Je voyage, je fais le travail qui me passionne, je vis de manière autonome », confie-t-il. Mais cela devrait selon lui être un droit pour toute personne handicapée. « Nous voulons simplement être considérés comme des personnes qui ont besoin d’un soutien différent pour pouvoir s’émanciper ».

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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