Depuis plusieurs semaines, les attaques nocturnes se concentrent sur les réseaux électriques et de chauffage des grandes villes ukrainiennes, à Kharkiv, Odessa ou encore Dnipro. À chaque impact, des quartiers entiers sont plongés dans l’obscurité, privés de chauffage, d’eau chaude et d’électricité. « Chaque poste électrique, conduite de chauffage ou station de pompage endommagé est susceptible de provoquer des pannes en cascade », a résumé mardi Joyce Msuya, du bureau des affaires humanitaire de l’ONU, lors d’une réunion du Conseil de sécurité.
Selon elle, les unités de terrain ukrainiennes, épuisées, « ne parviennent plus à suivre l’ampleur des dégâts ». Les coupures peuvent durer jusqu’à 18 heures, minant le quotidien des résidents de villes entières. Le 29 novembre, une frappe a laissé 600 000 personnes sans électricité dans la région de Kiev, sous un froid polaire.
Dans ce paysage disloqué, les plus vulnérables sont les premiers piégés : personnes âgées coincées aux étages sans ascenseur, familles avec enfants en bas âge frigorifiés, habitants esseulés dans des localités isolées. À Lyman, dans l’Est, Mme Msuya rapporte que des familles rationnent désormais les approvisionnements humanitaires.
Des garçons jouent au milieu des ruines d’une école à Kharkiv, en Ukraine.
Un hiver meurtrier
Les conséquences ne se limitent pas à la fatigue ou à la précarité. À Kherson, dans le sud ukrainien, la destruction partielle d’une centrale de chauffage a suffi à faire basculer un quartier entier dans l’urgence. Un médecin de la clinique voisine a résumé la situation avec une précision clinique : « Les gens peuvent survivre un certain temps sans électricité, mais pas sans chauffage. Sans chauffage, nos patients âgés déclinent en quelques heures ».
Devant le Conseil, Kayoko Gotoh, du bureau des affaires politiques de l’ONU, a rappelé une donnée glaçante : 2025 est l’une des années les plus meurtrières pour les civils ukrainiens. Entre janvier et novembre, les victimes ont augmenté de 24 % par rapport à 2024.
Au total, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a confirmé la mort de 14 775 civils, dont 755 enfants, depuis le début du conflit actuel, en février 2022. « Ces chiffres ne reflètent que les victimes vérifiées. Le bilan réel est probablement bien plus élevé », a prévenu Mme Gotoh.
L’augmentation du nombre de victimes civiles concerne aussi bien les zones de front que les zones urbaines. L’attaque du 19 novembre à Ternopil – une frappe combinée de missiles et de drones ayant tué au moins 36 civils – est l’illustration la plus violente de ce cycle : jamais l’ouest du pays n’avait été touché avec une telle intensité depuis le début de l’invasion russe.
Un ballon de basket abandonné dans le gymnase d’une école endommagée lors d’intenses bombardements dans la région de Kherson, en Ukraine.
L’éducation et la santé également touchés
Ce que vivent les habitants n’est pas un simple déficit énergétique, mais la désintégration méthodique de toutes les infrastructures du pays, y compris l’éducation. Plus de 340 établissements éducatifs ont été endommagés ou détruits en 2025.
Les soins médicaux sont eux aussi exsangues : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a vérifié des centaines d’attaques sur des structures médicales cette année, alors même que les risques d’hypothermie, de traumatismes et d’infections respiratoires explosent.
Sur la ligne de front, le quotidien s’est encore détérioré. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme relève que les drones à courte portée, les bombes aériennes et autres munitions ont rendu certains quartiers inhabitables. Certaines localités de Donetsk, Kharkiv ou Soumy, dans l’est et le nord-est du pays, ne disposent plus ni de commerces, ni de pharmacies, ni de personnel médical. Dans certaines zones, les habitants vivent depuis plus de deux ans sans accès stable à l’électricité.
Déplacements forcés et isolement croissant
L’un des effets les plus massifs de ces attaques est la recomposition forcée des mobilités civiles. Les évacuations volontaires se multiplient. Ce ne sont plus seulement les villages du front qui se vident : les centres urbains touchés par les coupures prolongées voient fuir les personnes qui ne peuvent plus endurer le froid ou qui survivent dans des abris humides et endommagés.
Pour les plus fragiles, partir est parfois impossible. Certains quartiers deviennent alors des enclaves gelées, des lieux où rester signifie affronter un quotidien sans chaleur, sans eau, parfois sans lumière du jour.
Des personnes récemment déplacées de la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, reçoivent de l’aide dans un centre de transit.
La mer Noire et le risque nucléaire : deux fronts silencieux
À ces crises visibles s’ajoutent d’autres menaces, plus discrètes mais potentiellement dévastatrices.
En mer Noire, Mme Gotoh prévient que la multiplication des incidents – tankers touchés par des drones, infrastructures portuaires visées – fait planer le risque d’une extension du conflit vers des routes maritimes cruciales.
À l’intérieur du pays, les sites nucléaires restent sous tension extrême. La centrale de Zaporizhzhia subit des coupures électriques répétées. À Tchernobyl, le nouveau sarcophage a perdu ses « fonctions de sécurité primaires » après une frappe de drone en février, même si aucune structure porteuse n’a été déclarée irrémédiablement endommagée.
« Toute action militaire compromettant la sûreté des installations nucléaires est inadmissible, irresponsable et doit cesser immédiatement », a dit la responsable.
Des abus massifs et persistants
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme met également en lumière des pratiques de torture d’une ampleur glaçante. Entre mai et août 2025, l’Ukraine et la Russie ont procédé au plus grand échange de prisonniers de guerre depuis 2022. Mais sur les 187 prisonniers ukrainiens récemment libérés, 185 ont rapporté des coups violents, des positions douloureuses, des décharges électriques, des attaques de chiens et, dans de nombreux cas, des violences sexuelles.
Le rapport documente aussi des conditions de détention particulièrement dures, des soins médicaux limités et des maltraitances systématiques lors des transferts. Au moins quatre incidents impliquant l’exécution de 10 prisonniers ukrainiens ont été jugés crédibles.
L’ONU relève également des abus du côté ukrainien : parmi les 137 prisonniers de guerre russes interrogés, plus de la moitié affirment avoir subi tortures ou mauvais traitements avant leur arrivée dans les centres d’internement officiels. Le Haut-Commissariat fait aussi état de quatre exécutions de prisonniers russes, ainsi que d’allégations crédibles concernant trois autres cas en cours d’examen.
Les organisations humanitaires apportent leur soutien aux personnes touchées par le conflit en Ukraine.
Une réponse humanitaire entravée jusque dans ses fondations
Les humanitaires, eux aussi, avancent sur un fil. Si 44 convois ont atteint des zones difficiles d’accès depuis le début de l’année, d’autres restent bloqués par les combats, les routes détruites ou les restrictions de sécurité. En octobre, un convoi des Nations Unies clairement identifié a été frappé alors qu’il tentait de livrer de l’aide dans la région de Kherson.
Le financement suit la même pente : il manque 35 % du financement nécessaire au plan hivernal. Les coupes touchent directement ce qui sauve des vies — soutien au chauffage, protection des femmes et des filles, accès à la santé mentale, évacuations.
Pour Joyce Msuya, l’équation est limpide : sans financement suffisant, des dizaines de milliers de personnes seront laissées dans le froid et le danger.
Une population en résistance, mais à bout de souffle
Bientôt quatre ans après le début de l’invasion russe à grande échelle, la résilience ukrainienne demeure, mais elle se heurte désormais à l’usure matérielle du pays. Les civils continuent de s’organiser, de secourir leurs voisins, de maintenir écoles et cliniques dans la mesure du possible. Mais la marge se réduit chaque jour.
Kayoko Gotoh l’a rappelé : malgré tout, « les Ukrainiens veulent une paix qui soit juste et durable ». Une aspiration qui résonne comme un contrepoint fragile dans un paysage dominé par les destructions, les pénuries et les nuits sans lumière.
Pour Joyce Msuya, le peuple ukrainien n’a pas le luxe d’attendre une amélioration de leurs conditions de vie. « Ils sont en train d’endurer un quatrième hiver depuis l’escalade de cette guerre, sous le feu et dans le noir », a-t-elle résumé.
Un constat brut, qui dit tout : l’hiver ukrainien n’est plus une saison, c’est un test de résistance.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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