Les mécanismes existent et les calendriers ont été fixés, mais rien n’aboutit. Au cœur de l’impasse : une défiance persistante entre des centres de pouvoir concurrents, qui paralyse la préparation des élections et entretient le statu quo.

Devant le Conseil de sécurité, l’envoyée de l’ONU pour la Libye, Hanna S. Tetteh, n’a pas cherché vendredi à masquer l’ampleur du blocage. Les deux premières étapes de la feuille de route politique, à savoir la formation d’un bureau de la Haute Commission nationale électorale et l’adoption d’amendements constitutionnels et juridiques nécessaires au scrutin, n’ont toujours pas été menées à bien. « J’estime que ces retards traduisent un manque de confiance entre les deux institutions, leurs divisions internes, ainsi que leur incapacité à surmonter leurs différends et à s’accorder sur une voie à suivre pour sortir de l’impasse actuelle », a-t-elle averti.

Les deux institutions en question sont le haut conseil d’État, basé à Tripoli, et la chambre des représentants, qui siège à Benghazi. Ces deux parlements distincts reflètent la partition du pays en deux blocs politiques distincts depuis la chute de Mouammar Kadhafi, en 2011 : à l’Ouest, un gouvernement d’unité nationale reconnu par l’ONU et dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, et à l’Est, une Armée nationale libyenne aux ordres du maréchal Khalifa Haftar.

À Benghazi, en Libye, les destructions généralisées témoignent d’années de conflit (photo d’archives).

Une commission électorale incomplète

Le blocage autour de la commission électorale illustre à lui seul l’état de délabrement du compromis politique libyen. En théorie, un accord existe depuis octobre entre la chambre des représentants, côté ouest, et le haut conseil d’État, côté est, pour reconstituer son conseil d’administration. En pratique, les délais sont systématiquement dépassés, les mécanismes contournés, et les engagements renvoyés à plus tard. Le conseil fonctionne aujourd’hui à effectif réduit, sans représentation de l’est du pays – une anomalie lourde de sens dans un État déjà morcelé par la géographie du pouvoir.

Cette situation n’a pourtant pas empêché l’organisation d’élections municipales dans plusieurs villes, preuve que l’outil électoral n’est pas hors d’usage. Mais elle fragilise la perspective d’un scrutin national, à la fois présidentiel et législatif, dont les autorités libyennes disent vouloir faire un tournant historique. « Il serait souhaitable que la commission électorale dispose d’un conseil d’administration pleinement constitué pour gérer l’organisation de ce qui constituerait les élections les plus déterminantes de l’histoire du pays », a insisté Hanna Tetteh.

© UNICEF/Giovanni Diffidenti

Les ruines d’un entrepôt d’armes à Tripoli, en Libye (photo d’archive).

Appels aux élections

À la fin novembre, la pression populaire est brièvement remontée à la surface. Des manifestations dans plusieurs villes de l’est ont réclamé l’organisation d’élections présidentielles. Le président de la chambre des représentants, Aguila Saleh, s’est joint à cet appel, suivi par le premier ministre du gouvernement d’unité nationale, Abdulhamid Dbeibeh, qui a évoqué un scrutin possible à partir d’avril 2026.

Mais ces déclarations restent suspendues à une condition essentielle : l’accord sur le cadre juridique des élections. Or celui-ci demeure enlisé dans les rivalités internes, notamment autour du comité dit « 6+6 », chargé de proposer de nouvelles lois électorales pour encadrer le futur scrutin. Dissoute en 2023 dans des conditions contestées, la délégation du haut conseil d’État à ce comité n’a été reconstituée qu’à la mi-décembre, au terme de longues querelles internes. Plus de 75 membres ont publiquement soutenu l’ancienne composition du comité, révélant l’ampleur des fractures politiques.

Le pari onusien d’un dialogue élargi

Face à l’inertie des élites politiques, l’ONU tente une autre voie : celle d’un dialogue structuré, lancé mi-décembre sur le sol libyen par la mission de soutien politique onusienne dans le pays (MANUL), réunissant 124 personnalités issues des institutions, de la société civile, des partis politiques, du monde académique et des minorités culturelles. L’objectif n’est pas électoral à court terme, mais politique au sens profond : définir des principes de gouvernance, formuler des recommandations sur l’économie, la sécurité et la réconciliation nationale, et recréer les conditions d’un consensus minimal.

« Le Dialogue structuré se déroulera parallèlement aux autres axes de la feuille de route et ne se substitue à aucun des jalons identifiés de celle-ci », a tenu à préciser Hanna Tetteh, qui dirige la MANUL, consciente du risque de voir ce processus perçu comme un détour supplémentaire. L’initiative témoigne néanmoins d’une volonté de sortir d’un dialogue confiné aux mêmes cercles de pouvoir, accusés de confisquer la transition à leur profit.

© UNOCHA/Sebastian Brandt

Un garçon marche dans un quartier de Tripoli, en Libye.

Une économie minée par la fragmentation budgétaire

À la crise politique s’ajoute une fragilité économique chronique. La fragmentation budgétaire, dénoncée de longue date par les Nations Unies, affaiblit le dinar, mine l’apport des services publics et érode la confiance de la population dans l’État. Un accord signé en novembre entre les deux chambres pour créer un programme de développement unifié a été salué comme un pas dans la bonne direction, à condition qu’il soit mis en œuvre avec transparence et contrôle effectif.

Sans budget national unifié, sans mécanismes de redevabilité, les annonces de réformes peinent à convaincre une population lassée par les promesses non tenues.

Droits humains

Le tableau serait incomplet sans les violations persistantes des droits humains. Les décès en détention se multiplient, les violences visant les migrants et les minorités se poursuivent, et l’espace civique se rétrécit dangereusement. L’assassinat, en novembre, de la blogueuse Khansa Al-Moujahed à Tripoli a marqué un tournant symbolique. Selon Hanna Tetteh, l’incident « adresse un message glaçant aux femmes qui souhaitent participer à la vie publique et risque de les réduire au silence à un moment où leur contribution est plus nécessaire que jamais ».

Depuis mars 2024, 24 décès en détention ont été vérifiés par l’ONU à travers le pays – un chiffre qui interroge l’ampleur de l’impunité et l’absence de contrôle sur les forces de sécurité.

 

Une indépendance sans souveraineté populaire

À l’approche du 24 décembre, date anniversaire de l’indépendance libyenne de la France et du Royaume-Uni, le contraste est saisissant. Le pays célèbre son émancipation formelle, mais demeure incapable de s’accorder sur les règles minimales de son propre avenir politique. Hanna Tetteh l’a rappelé avec gravité : « Le processus politique ne doit pas être pris en otage par l’inaction de certains acteurs politiques clés qui, volontairement ou non, maintiennent le statu quo ».

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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