« Cuisiner est un acte politique, écologique et culturel », estime Mauro Colagreco, chef étoilé, ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO, dans un entretien réalisé par de jeunes reporters de notre partenaire EcoRadio, Albin Cordary et Romain Marchal, élèves du collège Vincent Van Gogh, de Blénod-lès-Pont-à-Mousson, en France.
Chef d’origine argentine, Mauro Colagreco est installé en France depuis près de deux décennies. Il s’est imposé sur la scène gastronomique mondiale avec le Mirazur, son restaurant situé à Menton, dans les Alpes-Maritimes. En 2019, le Mirazur est sacré « Meilleur restaurant au monde » par The World’s 50 Best Restaurants, et reçoit la prestigieuse troisième étoile au guide Michelin. En 2020, il obtient également une Étoile verte Michelin, qui distingue les engagements durables, ainsi que la certification Plastic Free. Deux ans plus tard, Mauro Colagreco est nommé Ambassadeur de bonne volonté pour la biodiversité par l’UNESCO.
Dans cet entretien, il évoque son parcours, son engagement pour la biodiversité, et sa vision d’une cuisine en harmonie avec la nature.
Comment définiriez-vous la gastronomie durable ?
Pour moi, la gastronomie durable, c’est une manière de cuisiner qui respecte profondément la nature, les cycles de la vie et les communautés humaines. Elle se fonde sur des principes de circularité, de saisonnalité, de respect des écosystèmes. C’est une cuisine qui valorise les produits dans leur intégralité, qui évite le gaspillage, qui privilégie les circuits courts. C’est aussi une gastronomie qui éduque et transmet des valeurs.
Pensez-vous qu’il soit important de consacrer une journée mondiale à la gastronomie durable ?
Oui, absolument. Cette journée est essentielle pour sensibiliser le grand public à l’impact de notre alimentation sur l’environnement et la société. Elle permet de rassembler les acteurs de la filière alimentaire autour d’initiatives concrètes, et de rappeler que chaque geste compte. Je pense que c’est une manière de dire que cuisiner, manger, n’est pas anodin : c’est un acte politique, écologique et hautement culturel !
Une femme cuisine des tortillas de maïs pour nourrir sa famille.
Concrètement, comment s’exprime votre engagement au quotidien pour une cuisine plus durable ?
Nous avons supprimé tout plastique à usage unique depuis 2022 — ce qui nous a valu d’être le premier restaurant au monde certifié Plastic-Free. Cette suppression totale nous a pris presque 3 ans, un très long processus tant le plastique est partout.
Nos jardins produisent jusqu’à 80 % des ingrédients selon les saisons. Ils sont en biodynamie donc nous n’utilisons aucun intran chimique (pas de pollution de la terre). Nous travaillons exclusivement avec des producteurs, eleveurs et pêcheurs locaux engagés.
Nous avons créé une équipe de recherche et développement pour aller plus loin dans notre démarche et notamment pour réduire le gaspillage en utilisant ou réutilisant. Par exemple pour utiliser les surplus de production, nous avons créé une marque d’épicerie fine. Nous trions, compostons et recyclons. Nous veillons à nos consommations énergétiques (eau, électricité…). Nous n’utilisons plus de détergent car nous avons un processus ingénieux qui transforme l’eau en désinfectant par osonation.
Nous compensons notre empreinte carbone. Et nous formons nos équipes à ces enjeux, car la sensibilisation est essentielle. Nous avons déjà de nombreuses initiatives en place mais nous sommes toujours en train de trouver de nouvelles solutions pour améliorer notre système. Nous avons d’ailleurs un collaborateur dont c’est le métier a plein temps.
La gastronomie durable fait écho à l’objectif de développement durable numéro 12, relatif à la consommation et à la production responsables. Pensez-vous que la cuisine puisse jouer un rôle dans l’atteinte des objectifs de développement durable ?
Évidemment. La cuisine touche tout le monde, chaque jour. Elle est donc un levier puissant pour transformer nos modes de production et de consommation. En valorisant les produits locaux, en bannissant les déchets, en restaurant le lien à la terre, nous pouvons transformer nos systèmes alimentaires. C’est une responsabilité, mais aussi une immense opportunité de faire évoluer notre société vers plus de justice et d’harmonie avec la nature.
En 2020, le guide Michelin introduit une nouvelle distinction : l’Étoile verte, saluant les démarches écoresponsables. Vous l’avez obtenue dès sa première année. Était-ce un objectif pour vous ?
Recevoir l’Étoile verte a été une reconnaissance importante de notre engagement et nous en sommes encore très fiers. Mais ce n’était pas un objectif en soi : notre démarche est avant tout sincère et guidée par la conviction que nous devons réconcilier la cuisine avec le vivant.
L’Étoile verte, comme le label B Corp obtenu en septembre 2024, viennent saluer des années de travail de toute une équipe engagée. Chaque collaborateur qui passe par le Mirazur pourra ensuite enseigner ce qu’il ou elle a appris ; nous souhaitons créer une grande chaîne de valeurs vertueuse.
Depuis novembre 2022, vous êtes Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO pour la biodiversité. Quel est le sens de ce rôle pour vous ?
C’est un immense honneur, mais surtout une grande responsabilité. Être Ambassadeur de la biodiversité, c’est donner une voix à tous les vivants — ceux que nous voyons et ceux que nous oublions. C’est sensibiliser aux enjeux de la préservation des écosystèmes, défendre les savoir-faire agricoles traditionnels, lutter contre l’uniformisation des goûts et des cultures. C’est, en somme, rappeler que notre alimentation est indissociable de notre lien au vivant.
Vous avez participé à la COP16 sur la biodiversité. Un souvenir en particulier vous a-t-il marqué lors de cette conférence ?
Participer à cette COP a été une expérience formidable ! Je me souviens d’un moment fort : une table ronde avec des représentants de peuples autochtones. Leur vision du monde, leur lien sacré à la terre, leur sagesse millénaire m’ont profondément ému. Cela m’a rappelé que, malgré tous nos progrès technologiques, nous avons beaucoup à apprendre de ceux qui vivent en harmonie avec la nature.
Enfin, quel message souhaiteriez-vous adresser aux jeunes, qu’ils aspirent ou non à devenir cuisiniers ?
Je leur dirais : soyez curieux, soyez sensibles à ce qui vous entoure, engagez-vous. Chacun de vos choix, même le plus petit, a un impact. En choisissant ce que nous mangeons, nous choisissons le monde dans lequel nous voulons vivre. Et surtout, ne jamais avoir peur de rêver. La planète a besoin de vous, de vos rêves, de vos idées, de votre énergie.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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